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Le sang des Dalton

Le sang des Dalton

Titel: Le sang des Dalton Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ron Hansen
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elle avait comptabilisé plus de trois mille dollars sur les tables de jeu.
    « Et en prime, la maison triche, a conclu mon frère. Un petit groupe peut s’emparer de l’argent en cinq minutes avec la bénédiction de presque tout le monde ; les seuls dont nous aurons à nous soucier, ce sont les rares Mexicains pouilleux qui voudront récupérer leurs deux dollars de gains. Canty est le seul représentant de la loi dans les parages et Eugenia se chargera de lui. »
    Il y eut un silence pendant que chacun digérait l’idée, puis McElhanie a suggéré :
    « Et si on fêtait ça par un petit hourra ?
    — Assis », a grondé Bryant.
     
     
    Nous sommes partis de Silver City à cheval dans l’après-midi du samedi. Miss Moore ne nous accompagnait pas. Nous n’avons pas forcé l’allure, car il faisait encore une chaleur brûlante dans le désert et nous voulions que nos montures soient reposées. Nous les avons attachées en ville au crépuscule et nous nous sommes attablés sur des nattes dans un restaurant chinois depuis lequel nous entendions la musique de la taverne.
    « Cet orchestre est rudement entraînant, hein ?» a lâché McElhanie.
    Personne n’a fait de commentaire. Bob a commandé le même menu pour la bande entière et personne ne s’en est vraiment plaint, car nous nous méfiions tous de la cuisine chinoise. Il s’est avéré que l’entrée était une soupe de céleri translucide à la surface de laquelle flottait une pellicule graisseuse ambrée. Puis on nous a servi un truc avec des pousses de soja, des tubercules blanchâtres et du malachigan qui se délitait, encore plein de sable de la rivière.
    Nous avons siroté du thé vert jusque vers huit heures, puis traversé la large rue de la ville avec nos pétards qui saillaient sous nos impers. Nous avons poussé la double porte en bois à vitraux. La cantina s’étirait comme une ruelle et baignait dans une fumée de tabac bleutée ; le plancher était ciré, le plafond orné de fleurs de lys vertes en fer-blanc et un groupe mexicain tapageur jouait sur une scène à l’opposé de l’entrée. Des mineurs aux fringues noires comme de la suie et des cow-boys avec des coups de soleil jusqu’aux yeux, d’impressionnantes moustaches et d’imposantes molettes d’éperons, se tenaient devant le bar en acajou, une botte sur la barre en cuivre du repose-pieds.
    La gauche et le fond de l’établissement étaient occupés par des tables de jeu en acajou elles aussi, autour desquelles étaient installés toute sorte d’as de la gâchette qui s’exprimaient pour la plupart en espagnol et dont certains flattaient au travers de robes de mousseline brunâtres la croupe de putes mexicaines dépourvues de sous-vêtements.
    Bryant s’assit en compagnie de quelques Mexicains, déboursa vingt-cinq cents en échange d’une lampée de mescal et décrocha le gros lot, car il récolta le ver de la bouteille, qu’il mâcha avec un grand sourire  – ce qui ne lui valut pas que des amis.
    McElhanie paya une bière chaude à l’une des deux prostituées blanches de la maison et lui parla à l’oreille pendant près d’une demi-heure, avançant de temps à autre la langue pour lui lécher le cou tandis qu’elle grimaçait. Enfin, il parvint à un accord avec elle et la suivit derrière un rideau en velours vert jusqu’à une cambuse basse de plafond à peine assez grande pour un lit et une cuvette. McElhanie se contenta de se déboutonner et il fut de retour avant que Bob et Bitter Creek n’aient le temps de trouver des places libres à une table de faro.
    Ce jeu était en vogue à l’époque ; presque plus personne n’y joue de nos jours. Les treize cartes de pique étaient dessinées à la laque sur la table et vous misiez sur autant d’entre elles que vous le souhaitiez. Sur sa gauche, le banquier retournait la première carte du jeu. Sur sa droite, il révélait la seconde et toutes les mises sur la carte peinte de rang identique étaient perdues. Il posait la suivante à sa gauche et tous ceux qui avaient parié sur la carte de pique correspondante gagnaient. Même les imbéciles étaient capables de jouer à ce jeu, ce qui fut sans doute à l’origine de sa disparition.
    À la cantina, le rôle de banquier avait été attribué à un joueur professionnel officiant sous le nom de Fancy Jack, « Jack l’élégant ». Il avait aux pouces des bagues qui scintillaient de l’éclat du verre et un chapeau blanc à plume rouge.

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