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Le sang des Dalton

Le sang des Dalton

Titel: Le sang des Dalton Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ron Hansen
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chevaux.
    « Faites semblant d’être des limaces », leur suggéra-t-il.
    Il se mit à canarder n’importe où, au hasard, avec son pistolet.
    « En ce moment, vos passagers doivent se chier dessus », s’amusa-t-il.
    J’étais le corniaud de service sur ce coup-là et je dus courir jusqu’aux parcs à bestiaux et ramener les bêtes au trot en les tirant à bout de rênes. Bob et le petit Newcomb descendaient lourdement les marches du wagon postal quand je revins et à mon approche, Newcomb leva en l’air le sac plein et sourit sous son foulard. Bob et lui se hissèrent tous deux en selle en courant, sans utiliser les étriers, puis ils talonnèrent illico leurs montures et escaladèrent un petit escarpement, avant de s’enfuir par la route au sommet dans un roulement de sabots.
    Je m’attardai sur mon cheval, fusil en joue, épiant les alentours tandis que Bryant relâchait le mécanicien et le chauffeur, puis s’avançait vers moi en clopinant.
    « Vas-y, me cria-t-il. Je tiendrai ces poltrons en respect.
    — Tu es sûr ? »
    Il cracha un jet de tabac. Sa cicatrice au visage paraissait violacée.
    J’éperonnai ma monture et rattrapai mon frère et Newcomb qui attendaient au milieu de pommiers dans une cour de ferme plongée dans le noir.
    « Qu’est-ce que fabrique Bryant ?» s’impatienta Bob.
    Je haussai les épaules.
    « Quand Charley a une idée en tête, je m’abstiens de m’ingérer. »
    Bob m’a fixé en fronçant les sourcils.
    « Où es-tu allé pêcher des mots comme ça ? »
    Les chevaux se berçaient, piaffaient, se frottaient le menton contre les étriers. Nous avons compté les pièces et piécettes que renfermait le sac.
    Bryant était campé jambes écartées sur le ballast et considérait le train silencieux, fusil au creux du bras. Il déboutonna son pantalon, entrouvrit sa braguette et resta une minute à frissonner en vain. Il s’essuya les yeux de sa main gantée et mit le pied gauche à l’étrier. Il rengaina son revolver et observa, en serrant son fusil dans ses bras, le chauffeur et le mécanicien, à gauche du train, qui rampaient sous l’attelage entre deux wagons. Des passagers se mouvaient à l’intérieur des voitures. Bryant pressa sa monture des genoux et repassa lentement devant la gare en soliloquant.
    Le voyageur sur le banc à l’intérieur de la gare sortit, persuadé que les bandits avaient disparu. Le guichetier alluma une lampe à pétrole, la suspendit près du calendrier, au-dessus de l’interrupteur du télégraphe, et ouvrit son répertoire de morse.
    Bryant le vit commencer à émettre des signaux. Du coude, il releva légèrement le canon de son fusil et fracassa la vitre d’une balle qui atteignit le guichetier dans les côtes. Le corps du garçon ne comprit pas ce qui lui arrivait. Il pivota sur lui-même, recula avec une expression sidérée en trébuchant sur la chaise pourvue de roulettes et entraîna dans sa chute le distributeur en bois de billets de train.
    Bryant lança son cheval au trot et ne souffla pas mot du crime, de sorte que nous ne l’avons appris que plusieurs jours plus tard. Et que nous n’avons alors pas su comment réagir. Bob n’y fit pas allusion dans son journal.
    Une fois que le calme se fut prolongé une minute ou deux, Ransom Payne se redressa et remonta avec solennité dans le train. Il rédigeait déjà mentalement son rapport.
    « C’était la bande des Dalton », proclama-t-il.
    Le chef de train ne put que le dévisager.
     
     
    Ladite bande des Dalton avait malmené ses chevaux pendant une trentaine de kilomètres, puis nous avions ralenti et poursuivi au pas en file indienne en direction du sud-est jusqu’à Orlando, une ville saloon où officiaient dix-neuf prostituées éreintées. Bryant tâchait de dormir, tête baissée ; je jouais « Just a Closer Walk with Thee » à l’harmonica ; Bob s’était confectionné avec le tabac Mail Pouch de Newcomb une chique qu’il s’était calée sous la lèvre inférieure, si bien qu’on aurait dit qu’il poussait celle-ci avec sa langue. La respiration des chevaux était sifflante, ils dodelinaient de la tête à chaque pas et, de temps en temps, s’arrêtaient net pour arracher les feuilles d’un arbuste.
    « Tu vas aimer là où on va, Bob, a lancé Newcomb par-dessus son épaule. La sœur d’Ol Yountis, le proprio, est laide comme un pou, elle bouffe du tabac à priser et un des clébards fait “Ouah ! Ouah !” quand il aboie

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