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Le sang des Dalton

Le sang des Dalton

Titel: Le sang des Dalton Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ron Hansen
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garçon a inspecté la chaussure qu’il briquait, au bout de sa main.
    « Vous avez votre billet ? » s’est-il informé.
    Je n’ai pas répondu. Newcomb est revenu en essuyant l’eau qui perlait dans sa moustache et sa barbiche rousses et nous sommes repartis.
    « Les forces de l’ordre doivent être au lit à huit heures dans le coin, a annoncé Newcomb. J’ai parcouru toute la grand-rue et j’ai pas entendu un matelas grincer. »
    J’ai baissé les yeux vers lui.
    « D’après toi, comment il a fait pour se retrouver guichetier à même pas seize ans ?
    — Peut-être que c’est pas si difficile que ça, Emmett. Peut-être qu’il a simplement répondu à une annonce. Tu veux que je demande un formulaire de candidature pour toi ?
    — Ça m’a pas l’air désagréable, comme vie. Je parie qu’il doit avoir un beau costume bleu chez lui. Et pouvoir prétendre à une pension des chemins de fer. Je parie qu’il a même une boîte à sandwichs noire qu’il emporte tous les matins au boulot. Personnellement, je cracherais pas là-dessus. »
    Bryant était accroupi au nord du ballast, près du poste d’aiguillage à la jonction des voies, et fumait une cigarette brunâtre. Bob était appuyé à la potence à laquelle on suspendait le sac postal, sa montre de gousset ouverte dans la main. Je l’ai rejoint et Newcomb a traversé les voies pour s’asseoir dans l’herbe noircie par la suie, adossé à un tas de vieilles traverses.
    Bob a regardé dans la direction d’où le Santa Fe-Texas devait arriver.
    « Je me rappelle, la première fois que j’ai pris le train. Les fermiers s’arrêtaient de labourer et leurs épouses sortaient de la maison en se séchant les mains dans leur tablier. Les gosses se plantaient en rangs dans l’herbe jaune au milieu des champs et ils agitaient les bras à n’en plus pouvoir.
    — Ça va être quelque chose, hein, quand la nouvelle parviendra jusqu’en Californie ! me suis-je réjoui, passant du coq à l’âne. Les détectives des chemins de fer seront furibards. Grat va tellement se bidonner qu’il en aura les larmes aux yeux. »
    Les rails se mirent à résonner, Bryant jeta sa cigarette devant lui et j’aperçus le train  – la cheminée, la fumée, le chasse-pierres, les jets de vapeur blancs jaillissant des freins… La chaudière de la locomotive ahanait, les roues crissaient sur les rails et le chauffeur, pendu à la poignée de la cabine par une main, leva la lanterne qu’il balançait au bout de son bras, révélant Bryant. Newcomb surgit de l’herbe au pas de course en relevant son foulard sur son nez. Bob et moi l’avons imité et nous nous sommes campés face au train, tels deux duellistes, sur le remblai qui trépidait. Bob brandit son pistolet au-dessus de sa tête et fit feu, esquissant une grimace à cause des étincelles de poudre noire.
    Dans un fracas mécanique, le train dépassa Bryant qui rugit : « Les freins ! » Il tira en direction du foyer de la chaudière et le projectile tinta sur une surface métallique avant d’achever sa course ailleurs. Newcomb, qui s’était bouché les oreilles à cause des hurlements de l’acier, s’élança à la hauteur de la locomotive et, sitôt qu’elle ralentit, bondit sur le marchepied. Il grimpa les deux marches avec difficulté, puis incrusta son revolver dans la tête du mécanicien, derrière l’oreille, avec une telle force qu’un filet de sang se mit à couler et que le cheminot posa le genou droit par terre. Bob pénétra à son tour dans la cabine, foulard sur le nez et chapeau enfoncé sur la tête. Il propulsa le chauffeur contre la chaudière et le gifla avec le plat de son pistolet. L’homme geignit et s’affaissa sur le plancher, la joue dans la main. Bob foudroya le mécano des yeux, l’empoigna par sa veste rayée et l’éjecta de la locomotive à l’arrêt. Le malheureux atterrit sur le ballast raide comme une chaise et je lui décochai un coup de pied qui le souleva du sol alors qu’il était à quatre pattes, avant de lui écraser la gorge avec le talon de ma botte et d’armer le chien de mon revolver. J’avais trop peur de moi-même pour ouvrir la bouche. Mon pistolet tremblait entre mes mains.
    Dans la cabine, le chauffeur avait les yeux brillants de larmes. D’après les journaux, il avait cinquante-deux ans. Sa joue gauche était aussi gonflée qu’une chaussette en laine roulée en boule et sa paupière tuméfiée s’affaissait peu à

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