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Le sang des Dalton

Le sang des Dalton

Titel: Le sang des Dalton Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ron Hansen
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y soit déjà. Tu as du pèze pour la bouffe ?
    — Il devrait y avoir un chèque qui m’attend à Visalia.
    — D’accord. Plante le camp dans ce coin-là…
    — À l’endroit de la croix.
    — Histoire que je puisse te retrouver. »
    Grat rangea la carte pliée dans sa chemise en flanelle bleue, qui était imprégnée de l’odeur grasse comme du bacon du rancher, se vissa sur la tête un chapeau gris au sommet arrondi et signifia à l’Appaloosa de se mettre en marche d’un coup de rênes.
    Une fois mon frère parti, Middleton se rendit à Visalia pour y lire les avis de recherche et encaisser le chèque de cinquante dollars envoyé poste restante par Eugenia Moore à l’intention de Grat. Middleton s’en servit pour acheter un bureau pourvu de douze tiroirs et de trois compartiments secrets, puis il frappa à la vitre du bureau du shérif du comté de Tulare. Un adjoint se retourna sur sa chaise et Middleton ouvrit la porte.
    « Je me demandais si vous et moi, on pourrait causer », commença-t-il.
    Mais Grattan était plus futé que la plupart des gens le croyaient. Mon frère et sa monture s’élevèrent dans l’air ténu par une piste cavalière sinueuse qui obligeait Grat à se baisser pour passer sous de hauts séquoias, les pans d’une veste en grosse laine à carreaux serrés sur la poitrine, un fusil simple action au creux des bras. Il déchira la carte, en dispersa les morceaux et prit à droite et non à gauche comme indiqué.
    « Qu’est-ce que cet imbécile t’a fait aux poumons, mon cheval ? grommela-t-il. Tu souffles comme une locomotive. »
    L’après-midi, Grat dormait sur le sol noir et les aiguilles de pin ou pêchait la truite dans un torrent tumultueux si glacial qu’il avait mal aux sinus quand il y buvait. Il se tailla des fourchettes et des cuillères en bois vert qu’il durcit au-dessus du feu. Il collectionnait dans une boîte de bicarbonate de soude toute neuve des pierres qui, à ses yeux, ressemblaient à des animaux  – un lion, une pie, une tête de bison. La nuit, étendu à l’intérieur de la tente, les mains derrière la tête, il observait la fumée de ses cigarettes qui montait et s’étalait contre la toile, ou déboutonnait son pantalon en imaginant des femmes plantureuses puis laissait son sperme sécher sur son estomac.
    Il se faisait frire un écureuil en guise de petit déjeuner un matin lorsqu’il vit une levrette tout en côtes et en queue s’avancer en tapinois entre les arbres. Grat lui lança un bout d’écureuil dans la poussière et la chienne se précipita dessus ; elle engloutit un biscuit après l’avoir cassé en deux, s’étouffa avec et Grat lui versa de l’eau dans son chapeau. Riley Dean, l’autre fugitif, apparut entre les troncs, vêtu d’une chemise et d’un pantalon déchiré, une grande branche à la main.
    « Je vois que vous avez déjà fait connaissance, commenta-t-il. Vous auriez de quoi manger ? Je ne me nourris que de chauves-souris des cavernes et elles me pèsent sur l’estomac comme des presse-papiers en verre. »
    Mon frère et Dean Riley se cachèrent ensemble jusqu’à ce que surviennent les pluies d’hiver californiennes qui, à cette altitude-là, se condensaient en neige. Au mépris des éléments, des escarpements et des à-pics, un détachement se fondant sur les renseignements fournis par Middleton entreprit l’ascension de Mill Creek Canyon pour capturer les deux dangereux fuyards. Ils surprirent Dean alors que celui-ci se frayait un passage à travers des congères en chemise et en pantalon. Grat et la levrette étaient à la recherche d’un petit miroir de poche que mon frère avait fait tomber quand la chienne leva la tête et gémit. Grat se redressa, épousseta la neige qu’il avait sur les genoux et discerna le grincement d’un chariot ainsi que la respiration rauque et sifflante de trop nombreux chevaux ; il regagna la tente tandis que la levrette lui jetait un regard, puis fixait l’origine du bruit en contrebas en grondant, le poil hérissé. Grat enveloppa ses habits dans une chemise et fourra les provisions qu’il avait dans les poches et les manches de sa veste en grosse laine. Le temps qu’il ramasse sa gourde et son fusil, la levrette aboyait de toutes ses forces et mon frère décampa en direction d’une ravine enneigée en bondissant par-dessus des broussailles et des souches couronnées de neige. Il entendit la chienne réitérer encore et encore son propos aux

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