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Le sang des Dalton

Le sang des Dalton

Titel: Le sang des Dalton Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ron Hansen
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prêches sur les chemins de fer jusqu’à ce que, au coucher du soleil, il se lève et s’étire. « Oh bé, ce que je suis fourbu, annonçait-il. J’ai l’impression qu’on m’est passé sur le corps et qu’on m’a abandonné dans un fossé. » Le plus souvent, quelqu’un l’invitait à dîner et à boire tout son soûl au saloon, pendant que, une rue plus loin, un autre homme  – un homme en costume avec un gilet gris, des chaussures marron, un pistolet dans un étui d’épaule noirci par la sueur et un insigne de la Southern Pacific dans la poche  – le surveillait, à l’affût d’indices ou de renseignements susceptibles d’aboutir à l’arrestation de Grattan Dalton.
    Mon frère Bill était conscient de ce fait, ainsi que de la présence de détectives sur leurs chevaux à l’ombre d’un olivier de Bohême aux abords de sa ferme de Paso Robles. Pourtant, il demeura à Tulare, au vu et au su de tous, jusqu’à ce que débutent les pluies d’hiver et qu’il avise, sur le trottoir en planches de l’autre côté de la rue, un sauvage barbu et crasseux qui empestait comme un putois. Bill envoya un gosse lui porter un mot et, une centaine de dollars plus tard, attacha un cheval indien derrière son hôtel, d’où, derrière le rideau de sa fenêtre, il observa son frère Grat engoncé dans des épaisseurs de vêtements qui repartait pour l’Oklahoma.
    Bill fît sa valise et apporta son plus beau costume en serge sur un cintre un peu plus loin dans la rue, chez un ami acteur du nom de Lonnie, me semble-t-il, qui, sur ce, se tailla la barbe jusqu’à ce qu’elle reproduise celle de Bill. Il s’avéra être un bon imposteur.
    Les détectives des chemins de fer perdirent la trace de Bill à Tulare, mais ceux qui étaient de faction à la ferme de mon frère déclarèrent qu’ils l’avaient retrouvé. Deux semaines durant, ils adressèrent à San Francisco des rapports indiquant que Bill bricolait dans sa remise, pique-niquait à Pismo Beach le dimanche ou conduisait son épouse en ville en boghei, vêtu de son costume bleu en serge.
    Ce ne fut qu’alors, deux semaines après que Bill eut pris un train de nuit pour le territoire de l’Oklahoma, que les détectives se rendirent compte qu’ils avaient été bernés.
    Et ce fut à peu près à cette époque-là que le marshal en chef William Grimes et la direction de la Southern Pacific décidèrent de mettre en commun leurs ressources en hommes et leurs informations pour appréhender les illustres Dalton. Ainsi fut détaché à San Francisco un nouveau marshal adjoint d’El Reno du nom de Christian Madsen.
    Ce fut lui qui causa notre perte.
     
     
    Madsen était un homme sobre aux yeux bleus, carré, bâti au-dessus de la taille comme s’il aurait dû mesurer deux mètres, mais monté sur des jambes d’avorton qui l’amputaient de trente-cinq centimètres. Il avait les pattes rasées jusqu’au sommet des oreilles, une moustache brune de quinze centimètres de large qui lui barrait le visage et il perdait ses fins cheveux blonds clairsemés. Il était âgé de quarante et un ans, né à l’étranger, d’origine danoise ; patient, méthodique, organisé ; c’était un ancien intendant militaire de Fort Reno, qui avait par le passé acheté des quartiers de bœuf à J. K. Whipple, le mari de ma sœur Nannie, et il nous connaissait, mes frères et moi (ainsi qu’Eugenia Moore, qu’il qualifiait de « garce coriace ») depuis que mon frère Frank s’était fait abattre et avait décroché une place au paradis.
    Chris Madsen possédait une liasse d’avis de recherche retenus par trois anneaux et, dans un classeur à tiroirs en acajou, un dossier sur chaque criminel ayant, si brièvement que ce soit, séjourné dans les Territoires. Lorsqu’il grimpa à bord du train pour San Francisco, il avait avec lui une pile d’enveloppes de papier kraft attachées avec de la ficelle, sur chacune desquelles était inscrit un nom : R. Dalton, E. Dalton, George Newcomb, etc. Et quand, durant le ravitaillement en eau du train à Kingfisher, il leva les yeux de ses notes, il découvrit mon frère Bill qui faisait le pitre, le nez écrasé contre la vitre, de sorte qu’il ressemblait à Charlie Pierce. Bill s’écarta avec un grand sourire, se frotta le nez et s’écria :
    « Salut, Chris !
    — Comment es-tu revenu ici ? »
    Bill porta une main en cornet à son oreille.
    « Qu’est-ce que tu dis ? »
    Madsen le foudroya du

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