Le scandaleux Héliogabale : Empereur, prêtre et pornocrate
l’emmener faire un tour au camp militaire de Raphanae, où sont cantonnés les hommes de la légion gauloise. Je veux que les soldats le voient et qu’il leur fasse la meilleure impression.
— J’ai peur qu’il refuse de quitter Émèse, répondit Soemias en faisant la moue. Le service d’Élagabal ne l’autorise pas à sortir de la ville, c’est le moment des processions.
Dans la tradition orientale, les idoles étaient régulièrement sorties du sanctuaire pour être promenées et le culte, exceptionnellement, se déployait alors sur la voie publique.
— Peu m’importe les processions ! s’emporta Maesa. Cet enfant devrait comprendre qu’il a d’autres priorités !
— Tu sais bien à quel point ses obligations lui tiennent à cœur, répliqua sa fille. Il n’acceptera jamais de s’y soustraire, quelle qu’en soit la raison.
Maesa poussa un long soupir irrité et, après un silence impérieux, siffla entre ses dents :
— Nous n’allons pas lui demander son avis. Pour l’heure, ton fils n’est qu’un morveux de quatorze ans et crois-moi, il a tout intérêt à m’obéir.
CHAPITRE II
Antioche, province de Syrie
Six mois plus tard…
Dans les jardins du palais du gouverneur, à l’ombre d’une pergola en marbre blanc, le nouvel empereur Marcus Opellius Macrinus observait d’un œil éteint les gestes lents de l’esclave nubien occupé à l’éventer.
À le voir ainsi, étendu sur son lit de repos, le coude gauche replié sous sa tête, les pieds libérés de ses sandales et posés sur un coussin, on aurait juré que l’homme s’était endormi, s’il n’avait pas, de temps en temps, tendu une main paresseuse vers la table pour saisir une figue ou un morceau de melon.
Une voix masculine, au timbre rauque, réussit pourtant à le sortir de sa torpeur :
— Ave, César.
Le regard somnolent de l’empereur dévisagea un court instant la figure virile de son préfet, Ulpius Julianus, avant de passer lentement sur celle du visiteur qui l’accompagnait, le questeur Vibius Gibberius.
Il laissa échapper un profond soupir.
— Julianus… Gibberius… fit-il d’un air las et sans esquisser le moindre mouvement qui aurait pu signifier à ses visiteurs qu’ils étaient les bienvenus.
Le plus grand des deux hommes se raidit dans sa toge et serra les mâchoires.
— Désolé de troubler ton repos, César, répondit-il avec déférence, mais nous t’apportons de mauvaises nouvelles.
Julianus était devenu l’homme de confiance de Macrin et son principal agent d’information en Syrie. Bien qu’il fût d’extraction vulgaire, sa force de caractère, alliée à une volonté énergique et à un total loyalisme à l’égard de son maître, lui avait valu d’être récemment nommé préfet du prétoire. Il occupait donc la fonction qui avait été celle de Macrin avant que celui-ci ne s’empare du pouvoir.
— Je m’en doutais, lâcha l’empereur en exhalant un nouveau soupir contrarié.
— Tes ennemis travaillent contre toi, annonça sans autre préambule Julianus.
— Mes ennemis ?
— Les Syriennes, confirma le préfet avec une intonation qui se voulait particulièrement dramatique, mais qui cependant n’eut pas l’air d’impressionner l’empereur. César, ces chiennes complotent contre toi. Elles ont juré ta perte.
— Tu t’inquiètes inutilement, répliqua Macrin en offrant à son invité la meilleure place sur le lit, celle de droite, tandis que Gibberius le questeur était prié de s’installer à sa gauche. Julia Domna n’est plus qu’un petit tas de cendres…
Et, tendant le bras pour atteindre la coupe de fruits, il ajouta :
— Je ne sais pas si j’ai bien fait de lui offrir des funérailles aussi grandioses, et si j’ai eu raison de la mettre au rang des dieux…
— Peu importe qu’elle soit divine pourvu qu’elle soit morte, répliqua Julianus. Si elle avait vécu, cette femme n’aurait eu de cesse de venger la mort de son fils.
— Eh bien alors, pourquoi parler d’elle ?
— Oui, laissons là Domna, répondit Julianus en s’allongeant sur la banquette. Ce n’est pas d’elle dont je parlais : je faisais allusion à sa sœur, Maesa. Celle-ci, crois-moi, est bien vivante. Et elle se montre peu scrupuleuse sur les moyens de t’abattre.
— Je connais Maesa et la haine qu’elle me voue. C’est la raison pour laquelle je lui ai donné l’ordre, ainsi qu’à ses deux misérables filles, de quitter Rome
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