Le scandaleux Héliogabale : Empereur, prêtre et pornocrate
pour Émèse, où elles sont désormais assignées à résidence.
— Ce qui ne les empêche pas d’intriguer ! lança Julianus en haussant le ton.
L’indolence du vieil empereur l’exaspérait au plus haut point.
— Quelle différence qu’elles soient au Palatin où en Syrie, dit-il gravement en plantant son regard bleu dans celui de Macrin. Désormais ce n’est plus à Rome que se font les empereurs… Tu devrais le savoir, César.
La remarque de Julianus irrita Macrin. Son visage se contracta dans un rictus qui fit se creuser davantage les centaines de petits sillons de son front et de ses pommettes.
Comment son préfet osait-il lui rappeler ouvertement qu’il s’était lui-même emparé du pouvoir à la faveur d’un assassinat, bien loin de la capitale ?
Il posa sur l’impertinent un regard courroucé et se retint de lui faire savoir qu’il n’était en fonction que tant qu’il lui plaisait qu’il le soit. « Tu aurais intérêt à t’adresser à ton bienfaiteur avec un peu plus de déférence, mon cher Julianus, si tu veux conserver ta position…»
Mais les mots ne franchirent pas la barrière de ses lèvres minces.
— Eh bien, qu’elles intriguent ! se contenta de répliquer Macrin. Les manigances de cette vieille pie et de ses filles ne m’empêcheront pas de dormir. Ce ne sont que des palabres et des gesticulations de femelles.
— Ne sous-estime pas l’intelligence de Maesa, reprit Julianus, en s’exhortant au calme. Ni son ambition, ni sa pugnacité. Le poison du complot coule dans ses veines depuis sa naissance. Personne n’ignore à quel point elle est avide de pouvoir et rêve de retourner au Palatin. Je te conjure de me croire sur parole, César : cette femme est l’âme d’une conspiration qui amènera ta perte si tu ne mets pas rapidement un terme à ses agissements.
Mais Macrin ne parut nullement alarmé par cette mise en garde. Au contraire, les avertissements répétés de son préfet et ses accents tragiques commençaient à l’agacer sérieusement.
Ce fut au tour du questeur Gibberius de prendre la parole :
— Sais-tu que la fille aînée de Maesa, la belle Soemias, a un fils de quatorze ans ? L’enfant en question s’appelle Varius.
— Évidemment que je le sais, répondit Macrin, vexé.
— Alors tu dois savoir aussi, César, que les Syriennes projettent de faire de cet enfant le nouvel empereur…
Macrin esquissa une moue de dégoût.
— Des peuples du désert qui se mettent à revendiquer l’Empire romain ! Quelle indécence !
— Chaque jour Maesa s’achète des partisans, poursuivit le préfet du prétoire. Elle distribue son or sans compter aux légionnaires.
— Quel or ? demanda Macrin.
— L’or qu’elle a amassé quand elle vivait à Rome, lorsque Septime Sévère puis Caracalla étaient sur le trône. L’or qu’elle a pensé à rapporter avec elle et que tu n’as pas songé à lui confisquer quand tu l’as renvoyée en Syrie…
Ce nouveau reproche déclencha la colère de l’empereur.
— Foutaises ! Et même si ce que tu affirmes est vrai, cela ne lui suffira pas pour acheter les soixante mille soldats des dix légions d’Orient !
— Il lui suffit d’en soudoyer un millier pour te mettre en difficulté. C’est d’ailleurs ce qu’elle est en train de faire avec les hommes de la légion gauloise, cantonnés près d’Émèse.
— La III e Gallica ? fit Macrin en haussant les épaules. Elle n’ira pas loin avec une seule légion ! Et je doute fort qu’elle parvienne, même en les payant grassement, à convaincre les soldats que son petit-fils ferait un empereur digne de ce nom !
— Maesa est à la tête d’une immense fortune qui lui vient de ses propriétés à Émèse, poursuivit Julianus. Sans compter le trésor du temple du Soleil, dont elle peut disposer à sa guise.
— Que sais-tu de ce fameux trésor ?
— On dit qu’il dépasse l’imagination. Leur dieu, Élagabal, n’est pas seulement adoré par les indigènes de la cité. Tous les barbares des contrées voisines lui envoient chaque année d’importantes donations, que les Bassianides accumulent depuis des lustres.
— Eh bien, qu’elle dépense son or, si cela lui chante ! ricana Macrin en portant à sa bouche une tranche de pastèque et en y mordant à pleines dents. Lorsqu’elle aura dilapidé toute sa fortune, la vieille pie n’aura plus qu’à se laisser mourir de faim, comme sa sœur !
Julianus
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