Le scandaleux Héliogabale : Empereur, prêtre et pornocrate
naturel de Caracalla. Soemias clame partout qu’elle a partagé la couche de son cousin et que son enfant est le fruit de cet amour adultérin. Elle n’hésite pas à ternir sa réputation ni à salir la mémoire de son défunt mari.
— Ce que dit cette putain ne peut pas être vrai ! s’emporta Macrin. Elle ment !
— Elle avance des dates et des preuves…
— Foutaises !
— En présentant Varius comme le fils de Caracalla, les Syriennes sont sûres de gagner les légions à leur cause. Elles savent pertinemment combien les soldats étaient attachés à l’empereur et combien ils regrettent sa mort. Prends bien la mesure du danger, César ! Varius est non seulement prince d’Émèse et grand prêtre d’Élagabal mais le voilà, de surcroît, par un habile mensonge, fils et petit-fils d’empereur ! Maesa et sa fille en ont fait l’héritier de la dynastie des Sévères et des Antonins.
Macrin congédia d’un signe de la main l’esclave nubien qui finissait de lacer ses sandales.
— Tout cela est assez contrariant, je l’avoue, concéda le vieil empereur. Mais je ne pense pas qu’il faille pour autant prendre cette affaire trop au sérieux. Les soldats ne sont pas si stupides ; ils se doutent bien que Varius n’est pas le fils de Caracalla. Que ce petit Bédouin usurpe le nom sacré des Antonins s’il le souhaite, personne ne peut y croire !
— Le problème n’est pas qu’on accorde ou non du crédit à cette nouvelle. Je crains que certains légionnaires ne se servent de ce prétexte pour se soulever et déclarer Varius empereur de Rome. L’enfant n’est qu’un pion dans le jeu de sa mère et de sa grand-mère, mais un pion qui leur confère de nombreux avantages sur toi.
— Sache également que deux individus particulièrement nuisibles travaillent pour Maesa, ajouta le questeur. Le premier n’est autre que le précepteur du jeune Varius et le favori de Maesa, un homme qui répond au nom de Gannys Eutychianus. On le dit doté d’une remarquable intelligence. Le second est le préfet du camp militaire de Raphanae, un certain Valerius Comazon. Depuis six mois il mène une propagande active au sein de la légion gauloise, en faveur du petit Syrien.
— Le temps presse, César, déclara Julianus. Il faut agir, et vite. Fais immédiatement arrêter Varius Bassianus.
— Il a raison, poursuivit encore Gibberius. Et lorsque tu auras neutralisé les Syriennes, hâte-toi de partir pour Rome. Le Sénat s’impatiente de voir arriver son nouvel empereur.
— Plus rien ne t’oblige à demeurer en Orient, maintenant que tu as réglé le problème avec Artaban. À moins que tu ne veuilles que cette terre maudite soit ton tombeau…
Cette fois il avait parlé d’une voix particulièrement lugubre afin d’être convaincant et d’inquiéter Macrin. Mais l’empereur secoua la tête avec une lenteur délibérée.
— Pas d’impatience, Julianus. Chaque chose en son temps. Nous réglerons leur compte à ces maudites Syriennes le moment venu et je prendrai la route de Rome lorsque je l’aurai décidé. En attendant, j’ai une lettre à écrire au Sénat. Et sur ces mots, il congédia les deux hommes.
* * *
— Épagathos, viens par ici !
L’affranchi enroula le volume n (21) qu’il était en train de lire et traversa le vestibule à grandes enjambées.
— Je veux que tu me donnes ton avis sur la lettre que je m’apprête à envoyer au Sénat de Rome, lui dit Macrin.
— César, tes talents en la matière sont supérieurs à ceux de ton humble serviteur, déclara pompeusement l’affranchi, en s’inclinant avec respect. Je ne sais comment te remercier de l’honneur que tu me fais en daignant me consulter.
— Remercie-moi en m’inspirant comme le feraient les Camènes, répondit l’empereur en souriant et en le tirant par la manche. Même si ce n’est pas un poème que nous allons écrire aux Pères conscrits !
Le favori, tout aussi flatté que surpris d’être comparé aux Muses, frissonna de plaisir dans sa tunique courte.
— Je ferai de mon mieux, César.
Les deux hommes parcoururent plusieurs salles jusqu’aux appartements privés de l’empereur. Devant la porte de la chambre attendait un jeune garçon vêtu d’un palliu m (22) rouge.
— Ah, te voilà Philophorus ! s’exclama Macrin. J’ai cru que tu t’étais encore perdu dans les couloirs du palais !
Le scribe, qui portait un petit sac de cuir sur son épaule, baissa la tête
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