Le scandaleux Héliogabale : Empereur, prêtre et pornocrate
éclata dans une insula et se propagea rapidement à d’autres bâtiments. Alors que les gens se précipitaient dans les rues étroites pour se mettre à l’abri des flammes, l’empereur et son favori, pris dans ce tumulte, furent sauvagement renversés et faillirent être piétines.
Une autre fois, les deux jeunes gens se firent prendre à partie par une bande de fêtards éméchés, qui, armés de couteaux, de bâtons et de pierres, s’amusaient à semer la terreur dans les rues. Molestés par les noceurs, ils ne durent cette fois leur salut qu’à l’intervention des tresviri nocturi (130) .
Ces incidents firent enfin prendre à Varius la mesure des périls qu’il courait à s’encanailler dans les bas-fonds des quartiers populaires et l’obligèrent à renoncer, non sans une certaine contrariété, à ses petites expéditions.
— Maesa ! appela Comazon en se précipitant dans les bureaux de la princesse.
Devant la figure congestionnée de son favori, celle-ci devina très vite d’où pouvait provenir le malaise.
— Qu’a-t-il encore fait ? interrogea-t-elle, impassible, en s’ar-rêtant de travailler.
— Là-bas ! fit Comazon en montrant du doigt, par la large fenêtre, l’Esquilin. Il a rassemblé toutes les prostituées de Rome dans le temple de Vénus Erycine (131) , près de la porte Colline (132) !
Maesa manqua une respiration.
— Quoi ?
— Oui ! Toutes les raclures de la ville ! Il les a fait convoquer ce matin à l’aube, par les crieurs publics. Elles sont plus de cinq cents là-dedans !
— Mais… pourquoi ?
— Je me demande s’il n’a pas l’intention de se les… Comazon s’interrompit, avant de prononcer le mot trivial qui aurait choqué la stricte Maesa. Celle-ci haussa les épaules :
— Mon pauvre Valerius, il n’arrive déjà pas à en satisfaire une seule, dit-elle en soupirant, comment veux-tu qu’il en besogne cinq cents ?
Elle se leva lentement et posa son grand châle sur ses épaules.
— Allons-y, dit-elle. Allons voir ce qui se passe dans ce temple.
Une demi-heure plus tard, ils arrivaient devant l’édifice. Les portes étaient ouvertes mais, depuis le podium, on n’entendait pourtant aucun bruit.
— Reste là, commanda la princesse. Je vais entrer la première, et seule.
Elle franchit le seuil du temple et scruta l’intérieur, en quête de son petit-fils. Elle n’eut pas à chercher longtemps. Monté sur une estrade de bois et moulé dans une tunique courte brodée d’or, Varius se tenait debout devant une assemblée qui l’écou-tait attentivement.
Un silence quasi religieux régnait dans l’enceinte du temple ; même les sénateurs étaient plus bruyants lorsqu’ils siégeaient dans la Curie. Comme l’en avait avertie Comazon, la salle était effectivement remplie de femmes, toutes des prostituées, de tout âge et de tout acabit. Un bel échantillon de ce que Rome pouvait compter de louves se trouvait là : des serveuses d’auberge, des habituées du trottoir, des laiderons, des beautés, des femmes mûres, des adolescentes à peine nubiles. Des courtisanes élégantes et propres, richement vêtues et impeccablement fardées, côtoyaient les rebuts de l’Argilète et les épaves des lupanars.
Piquée par la curiosité, Maesa se fondit dans l’assemblée, afin d’écouter le discours que Varius tenait à toutes ces créatures.
— Si je vous ai bien comprises, mes camarades, disait l’empereur, debout sur l’estrade, l’homme préfère être dessus que dessous ?
Une dizaine de bras et de mains se levèrent pour répondre à la question de l’empereur.
L’adolescent donna la parole à une jeune fille aux cheveux rouges.
— Je ne suis pas d’accord ! protesta la rouquine. Moi, j’ai remarqué que mes clients préféraient la position du cavalier à toutes les autres.
— Ah oui ? fit Varius en tendant le cou, visiblement très intéressé par la remarque. Mais quand tu chevauches ton partenaire, fais-tu un mouvement de va-et-vient en étant accroupie ou gardes-tu les genoux baissés ?
— Les jambes repliées, précisa la professionnelle. Et je fais la toupie !
Toutes les prostituées ricanèrent et commentèrent à qui mieux mieux les inconvénients et les avantages de cette position erotique.
Varius leur imposa le silence en tapant dans ses mains.
— Et toi camarade ? demanda-t-il en s’adressant à une belle femme du premier rang. Qu’en penses-tu ? Quelle posture te
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