Le scandaleux Héliogabale : Empereur, prêtre et pornocrate
des menaces qui pèsent sur Varius. Depuis plusieurs semaines des libelles circulent dans la ville, se passent de main en main, s’affichent sur les portes et même sur les rostres. Les Romains se moquent de Varius, le blâment ouvertement, l’insultent. Le peuple le surnomme Héliogabale.
— Héliogabale ?
— On ne l’appelle plus que comme ça, dans tout l’Empire. Allons, lis, et tu verras que je ne te mens pas. Et tu constateras que les accusations portées contre ton fils dépassent les simples brocards.
À contrecœur, Soemias déroula le premier billet.
« Antoninus Bassianus, fils de personne et d’une dévergondée, empereur de Rome. Tel est celui auquel je vais consacrer ces lignes. Il déambule la nuit de tavernes en bordels, ne se plaît qu’avec la vile populace. Il ne respecte rien, ni la dignité des grands, ni les lois des ancêtres, ni les femmes de condition illustre. Il est au pouvoir des conducteurs de chars et des gladiateurs ; il est l’esclave des danseurs et des coiffeurs, avec lesquels il entretient un commerce infâme. Esclave de son ventre et de la partie la plus honteuse de son corps, il rivalise avec les Caligulas, les Nérons, les Tibères et les Vitellius. Car la mollesse n’est pas son seul vice. Non content de faire de tous ses orifices les réceptacles du plaisir, il passe son temps de banquets en orgies, se vautre dans la soie comme la plus immonde des femelles, offense les hommes et les dieux. »
Soemias marqua une pause et ferma les yeux.
— Lis les deux autres ! intima durement Maesa.
— Oui, lis-les, répéta Mammaea, comme une seconde voix. Que crains-tu de découvrir ? Après tout, ces libelles ne contiennent rien que tu ne saches déjà et que tu n’approuves.
Sa sœur lui lança un œil noir.
« Héliogabale a écume toute la ville. Pourquoi ? Pour trouer tous les culs complaisants. Mais maintenant qu’il a transpercé tout ce qui bouge, il n’a plus personne pour soulager son érection divine. À force d’être sans homme, sa queue bande à en éclater. Vois : il a l’écume aux lèvres et son désir le démange jusqu’au nombril. Il se tortille, il s’essouffle. Peut-être cherche-t-il à s’enfoncer lui-même sa queue dressée ? Il va falloir qu’il se console à la main ou bien, pour le plus grand bonheur de l’humanité, qu’on la lui coupe ! »
« Mais d’où te vient cette mine désespérée, Cul Large ? Pourquoi pleurniches-tu, Héliogabale ? Est-ce parce que tu aimes en avoir une bien raide dans tes fesses langoureuses ? Ne pleure pas, il te reste toujours ta pierre noire, elle est assez dure pour te satisfaire. »
À présent, Soemias était devenue pâle et regardait, atterrée, les billets injurieux.
— Alors ? interrogea Maesa.
— Vas-tu convaincre Varius ? insista sa sœur.
Mais Soemias accusa vite le choc et, en un instant, retrouva toute sa hargne et sa détermination.
— Jamais ! répondit-elle en froissant rageusement les feuillets. Jamais je ne pousserai mon fils à commettre cette erreur ! Je ne ferai pas votre jeu !
Puis, se tournant vers Mammaea avec une aversion indicible :
— Je ne ferai pas TON jeu !
L’autre eut un petit hochement de tête plus méprisant que désolé.
— Ma pauvre fille, dit-elle, ta haine t’aveugle. Et ton esprit est aussi court que ton nez. Tu n’as donc rien compris ? Ce n’est pas de moi dont il s’agit, mais de l’avenir de notre famille.
— Ne te cache pas derrière de nobles sentiments ! hurla Soemias. Non, il s’agit bien de toi ! De tes ambitions et de ton orgueil ! Tu ne penses ni à la sauvegarde des Bassianides, ni même à la gloire de ton fils en agissant ainsi, tu ne penses qu’à toi, saleté !
Cette fois, Mammaea se garda bien de s’emporter. Elle lui tourna le dos, dédaignant de répondre ; mais, après quelques secondes de silence, elle revint cependant à la charge :
— Peut-être, fit-elle doucement. Peut-être ne suis-je pas si différente de toi, après tout.
— Tu l’es, cracha Soemias. Si ce n’était pas le cas, je ne supporterais pas de voir le soleil se lever un jour de plus.
Mammaea ricana :
— Allons, ne sois pas hypocrite. Voudrais-tu me faire croire que tu n’as jamais songé qu’aux intérêts de Varius ? À qui pensais-tu lorsque tu complotais contre Macrin avec mère ? Qu’espérais-tu le jour où Varius a été proclamé par les légions ? Quelle cause servais-tu en montant
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