Le scandaleux Héliogabale : Empereur, prêtre et pornocrate
fameuses armes qui lui avaient valu son élévation.
Après cette union pour le moins scandaleuse, l’athlète fut déclaré « mari » officiel de l’empereur et, à ce titre, eut droit à tous les privilèges et les hommages dont Hiéroclès avait bénéficié avant lui. Varius, comblé dans son nouveau rôle d’épouse, se fit appeler « impératrice » et décida de porter désormais le nom de Bassiana.
Quant à Hiéroclès, il ne tarda pas à comprendre que dans ce palais où il avait été le seul admiré, complimenté, fêté, l’autre lui avait bel et bien pris sa place. Les honneurs, les compliments, les flatteries, les phrases élogieuses, les courbettes, n’étaient désormais plus pour lui, mais pour le nouvel onobèle. Toute l’admiration des courtisans se portait désormais vers Zoticus.
Naturellement, cet abandon, cette défection inattendue, le rendaient fou de rage et d’amertume. Et plus le fils du cuisinier se pavanait, plus l’empereur câlinait son nouvel amant, plus il se sentait injustement trahi, dépossédé, détrôné. En présence de son rival, il ne parvenait plus à cacher sa mauvaise humeur, ne répondait que par monosyllabes, regardait tout le monde avec une expression sinistre.
— L’amour n’existe que par le désir, lui dit un jour l’empereur, voyant qu’il remâchait sa déception. Je t’ai désiré, Hiéroclès, et je t’ai aimé. Mais c’est fini. C’est de Zoticus dont j’ai envie à présent et c’est à lui que je veux appartenir. Donc, c’est lui que j’aime ! Il faut que tu le comprennes et que tu cesses, une bonne fois pour toutes, de bouder. Comment veux-tu lutter avec un pareil homme ? Et mets-toi un peu à ma place : comment une femme ne l’adorerait-elle pas ?
Mais le jeune aurige était d’une nature plutôt combative. Passé le premier abattement, il songea rapidement à éliminer son encombrant rival.
Avec la complicité d’un échanson du palais, il fit boire un soir à l’athlète, mélangée à son vin, une boisson achetée dans une boutique du Forum et réputée réduire à néant la vigueur des plus fougueux étalons.
Dès qu’il fut couché auprès de son « mari », Varius s’étonna évidemment du manque d’ardeur de celui-ci. Il entreprit d’abord de ranimer sa flamme par des baisers et des caresses savantes, mais rien n’y fit. La patience n’étant pas sa qualité première, l’adolescent afficha aussitôt cette froideur hautaine et méprisante dont lui seul avait le secret.
— Puis-je savoir ce qu’il t’arrive ? demanda-t-il, vexé.
— Je ne sais pas, avoua Zoticus, penaud.
— Tu ne sais pas ? Tu es incapable de satisfaire ton épouse et tout ce que tu trouves à répondre c’est que tu ignores pourquoi !
— Je ne sais pas… répéta l’autre, perplexe, sans cesser de contempler, entre ses jambes dénudées, la chose molle responsable de ce lamentable fiasco.
— Alors ça, c’est trop fort ! s’emporta l’adolescent. Peut-être ne suis-je pas assez désirable ? Pour qui te prends-tu pour me faire un pareil affront ?
— Détends-toi un peu, le pria Zoticus en s’énervant à son tour et en lui tournant le dos. J’ai sûrement trop bu. On ne va pas en faire toute une histoire !
Depuis qu’il régnait en maître sur le cœur et le corps de l’empereur, l’athlète s’autorisait des familiarités de langage et de manières que celui-ci n’aurait supporté d’aucun autre courtisan. Mais cette fois, pourtant, l’adolescent s’offusqua du ton qu’il venait de prendre pour s’adresser à son auguste personne.
Il saisit le traversin et s’en servit pour lui donner un coup en pleine tête. Puis, il tira de toutes ses forces, pour l’arracher, sur l’anneau d’or qui pendait au lobe de l’oreille de Zoticus.
— Ne me parle pas sur ce ton ! hurla-t-il, des lueurs assassines dans les yeux.
Zoticus se leva d’un bond et debout, dévisagea l’empereur.
— Pauvre folle ! lâcha-t-il en massant son oreille qui saignait.
Ce mot sonna pour lui, irrémédiablement et davantage que son impuissance passagère, le moment de sa disgrâce.
— Dehors ! éructa Varius en lui désignant la porte de l’index.
— Quoi ?
— Dehors, ou je te jure que je te fais châtrer sur-le-champ !
Sceptique, Zoticus haussa ses épaules de géant et afficha cette arrogance qui lui était devenue coutumière, cette suffisance crâne gagnée sur les draps.
— Tu es
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