Le scandaleux Héliogabale : Empereur, prêtre et pornocrate
s’écria la princesse. Qui veux-tu que ce soit d’autre ? Ce monstre a voulu empoisonner mon fils !
— Les plats n’auraient-ils pas dû être goûtés en cuisine ?
— Ils l’ont été, répliqua Mammaea, mais il faut croire qu’on nous a abusées ! Les goûteurs prennent des philtres qui contrarient l’effet des poisons ; parfois ils font semblant de porter un aliment à leur bouche mais en fait ils le recrachent en cachette. D’ailleurs, ces maudits goûteurs ont disparu… ! En tout cas, maintenant nous pouvons être sûres que Varius essaye de se débarrasser d’Alexandre ! Il ne lui suffisait pas de lui avoir retiré son titre et de le maintenir prisonnier au palais, il lui faut encore l’assassiner !
— Bien, jeta Maesa, nous devons renvoyer tous les esclaves, toutes les caméristes, tous les domestiques de la vaisselle et des cuisines qui ont autrefois servi Varius et qui pourraient devenir ses exécuteurs. Nous avons assez d’argent pour nous acheter nos propres serviteurs. Et il faut désormais intercepter tout ce qu’Alexianus serait susceptible de toucher : boissons, mets ou vêtements.
— Nous n’avons plus de détachement de prétoriens, s’inquiéta Mammaea. Qu’adviendra-t-il si l’un des sicaires de Varius tente de poignarder Alexandre ?
— Nous allons aussi nous acheter une garde personnelle. Alexianus sera protégé jour et nuit.
— Je n’arrive pas à croire qu’il ait osé attenter à la vie de son propre cousin !
Maesa leva sa main sur laquelle se tordait un lacis de veines drues et bleues.
— Il n’est pas complètement stupide, dit-elle. Il sait le danger qu’Alexianus représente pour lui. Sans compter que ses favoris, eux non plus, ne sont pas idiots, ils ont senti le vent tourner… Hiéroclès en particulier, qui joue dans cette affaire sa sécurité et son avenir, n’est certainement pas le dernier à pousser Varius à prendre des mesures radicales…
Mammaea se calma, aspira une large bouffée d’air, écouta vers la chambre où reposait Alexandre. Elle parut redevenir maîtresse d’elle-même mais l’inquiétude continuait de blanchir son teint.
— Je ne sais pas comment tout cela va finir, soupira-t-elle.
— Varius a abattu ses cartes. À présent, nous n’avons plus le choix. C’est Alexandre ou lui.
— Mais tu sais bien que Varius est inaccessible, se désola la princesse. Nous avons beau acheter des espions, ils ne peuvent rien faire de plus que nous tenir informées de ce qui se passe au Sessorium. Bien malin celui qui pourrait l’approcher et nous en débarrasser ! J’ai tellement peur pour la vie d’Alexandre, pour notre vie à tous, que je me demande si nous ne devrions pas renoncer ! Peut-être faut-il attendre que les tensions s’apaisent et cesser d’exciter la colère de ce pauvre malade ?
— Si tu attends, la prévint sa mère, il gagnera. Et plus il se sentira invulnérable, plus il sera méchant. Je connais Varius : il est mauvais comme une teigne, rancunier et obstiné comme un âne. Au bout du compte, nous perdrons tout.
— Tu as raison, grinça sa fille. Le tuer est le seul moyen. Mais la question reste : comment ?
Maesa resserra son grand châle avec un geste machinal. Son visage exprimait une détermination implacable, froide, détachée.
— Si nous les chauffons suffisamment, dit-elle, les prétoriens finiront par se révolter. Et ils se chargeront du travail à notre place.
Sur quoi elle ajouta :
— Après tout, ils en ont l’habitude…
À quelques jours de là, dans l’auditorium du palais sessorien, Soemias, elle aussi, essayait de calmer Varius qui venait d’entrer dans l’une de ses colères coutumières.
L’adolescent, en effet, trépignait de rage, la bouche contractée, les dents serrées.
— Incapable ! hurlait-il à l’esclave prosterné devant lui. Est-ce si difficile de verser un peu de poudre dans un plat ? N’y en a-t-il aucun, parmi vous tous, qui n’ait pas la cervelle creuse ?
Relevant un genou et laissant l’autre à terre, l’esclave étendit ses bras vers l’empereur avec un geste suppliant.
— Ô dominus, pardonne-moi d’avoir échoué comme les autres ! Mais à présent le jeune Alexandre est mieux gardé que les Enfers ! Des hommes en armes sont postés du matin au soir devant sa porte et chaque nuit les verrous de sa chambre sont tirés ! Sa mère ne le quitte pas des yeux, ses précepteurs l’accompagnent partout, ainsi
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