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Le scandaleux Héliogabale : Empereur, prêtre et pornocrate

Le scandaleux Héliogabale : Empereur, prêtre et pornocrate

Titel: Le scandaleux Héliogabale : Empereur, prêtre et pornocrate Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Emma Locatelli
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croisé ma mère ? Elle sort à l’instant de cette pièce…
    — Non, je ne l’ai pas vue, répondit l’aurige en s’agenouillant pour baiser le bas de sa robe. Mais j’irai lui rendre visite ce soir.
    — Tu feras bien, l’avertit Varius. Elle m’inquiète. Je la trouve…
    Il chercha ses mots, esquissa une moue narquoise :
    — Nerveuse… Les femmes sont toujours à cran quand elles ne sont pas bien baisées. Surtout ma mère.
    Il se saisit d’un petit gâteau à l’anis et mordit à belles dents dans la pâte.
    — Alors, où étais-tu donc passé ?
    — J’étais à Smyrne.
    — À Smyrne ?
    Varius l’interrogea du regard, tout en l’invitant à se relever.
    — Mes rabatteurs m’ont averti qu’il se trouvait là-bas un cas tout à fait remarquable, poursuivit son favori. Je souhaitais m’en rendre compte par moi-même, avant de t’en informer.
    L’aurige avait pour charge essentielle d’envoyer en mission, dans toutes les villes et tous les ports des provinces de l’Empire, des prospecteurs spécialisés dans la quête de sujets bien membrés.
    — Un nouvel onobèle (144)   ? interrogea Varius, curieux et ravi.
    C’était le mot qu’il avait inventé pour désigner ces hommes pourvus d’attributs sexuels avantageux que Protogène lui ramenait au palais.
    — Le plus extraordinaire, répliqua celui-ci avec fierté.
    — Et comment se nomme cet extraordinaire spécimen ?
    — Aurelius Zoticus. Mais on le surnomme Magirus (145) .
    — Un cuisinier ?
    — Non, César, un athlète. C’est son père qui était cuisinier.
    — Bon, fit Varius en s’essuyant la bouche de sa manche. Qu’on le fasse venir à Rome.
    Le visage de Protogène se fendit d’un long sourire satisfait.
    — Inutile, dit-il. Zoticus est déjà là.
    — Oh… et où est-il ?
    — Il est ici, au palais. Il attend derrière cette porte. L’empereur jeta un coup d’œil en biais à Hiéroclès. Celui-ci affichait une mine franchement maussade.
    — Fais-le entrer, ordonna Varius. Puis, s’adressant à son amant :
    — Ne sois pas jaloux, mon gros chat. Je veux juste regarder…
    Quelques minutes plus tard, le garde introduisait dans la pièce un homme d’une trentaine d’années, d’une stature impressionnante. L’adolescent le dévisagea bouche bée.
    L’esclave possédait tous les attraits susceptibles de l’émouvoir : des bras énormes, un cou massif sillonné de veines et de tendons, une mâchoire carrée, une face large, des muscles durs, un menton creusé d’une fossette à y fourrer le pouce.
    Varius remarqua immédiatement qu’il partageait avec Hiéroclès cette brutalité virile, cette rudesse bourrue des esclaves entraînés dans l’arène. Mais à la différence du jeune cocher, ce Zoticus était d’une beauté indéniable. Ses cheveux longs, luisants, noirs comme le jais, massés en touffes abondantes, encadraient un front haut et des pommettes saillantes. Dans son visage au teint basané et aux contours parfaits, d’épais sourcils charbonneux couronnaient des yeux tout aussi sombres, coupés et fendus comme ceux d’un masque de théâtre. L’athlète portait une tunique en laine rêche, resserrée à la taille et dont les manches, coupées à la hauteur du biceps, laissaient voir des bras ronds et forts, ainsi qu’une grossière lacerna (146) jetée sur l’épaule. Bien que sa condition servile lui interdît de porter des chaussures, il avait enfilé des grosses galoches montantes et il avait accroché, aux lobes de ses oreilles, deux anneaux en cuivre.
    — Sois le bienvenu, commença aimablement l’empereur, en se levant de son lit de table.
    Il s’approcha, le dévisagea des pieds à la tête comme un chaland à une vente d’esclaves.
    L’autre se mit à l’observer à son tour, non sans une certaine arrogance, mais ne répondit rien. Il jetait sur l’empereur un regard âpre, violent, sauvage, mais sans haine.
    Varius, déstabilisé, fit deux pas en arrière.
    — Ainsi tu t’appelles Zoticus ? demanda-t-il d’une petite voix mal assurée.
    — Oui, César.
    — Tu as fait un long voyage, tu dois être fatigué.
    — Le moment d’arriver jusqu’à toi m’a paru long en effet, répliqua l’esclave.
    Cette phrase énigmatique, débitée d’une voix rude, causa une vive réaction à l’adolescent. L’athlète dut s’en apercevoir car il enchaîna, sur le même ton :
    — J’avais hâte de rencontrer celui qu’on dit plus lumineux

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