Le secret de la femme en bleu
fatale sentence. Son air, son allure traduisaient son accablement.
Aussi Doremus fut-il surpris de voir arriver, après qu’il eut été annoncé par son écuyer, un homme qui montrait un visage moins désespéré que d’habitude.
— Je crois, dit le comte Hainrik, que voici enfin du nouveau. Si ce qu’a trouvé mon cousin Walfred présente bien l’intérêt qu’il prétend, alors nous tenons un début de piste !
Le chambrier hocha la tête, repris par son humeur mélancolique.
— Cependant, ajouta-t-il, j’ai été déçu tant de fois… Je préfère donc me rendre sur place afin de constater, de mes propres yeux, de quoi il s’agit, avant de semer des espoirs qui pourraient se révéler fallacieux.
Intrigué par les airs mystérieux de son interlocuteur, Doremus le pressa d’en dire davantage. Hainrik s’y refusa.
— Après-demain à l’aube, indiqua-t-il en guise d’éclaircissement, je compte partir avec deux hommes d’armes et des serviteurs pour les environs de Metz où je rejoindrai Walfred. Je souhaite que quelqu’un, appartenant à la mission que tu diriges actuellement, se joigne à nous de manière qu’il puisse noter, en même temps que moi, ce qu’il en est, et juger si l’affaire a l’importance que lui prête mon cousin.
— Pourquoi tant de précautions ?
— Il faut surtout n’alerter personne… et aussi ne pas perdre la face ; rien ne dit que nous ne sommes pas trompés par un leurre.
— Peut-être cette prudence est-elle sage en effet, admit l’ancien rebelle.
Le surlendemain, dès l’aube, le chambrier, ses compagnons et serviteurs, retrouvèrent, au débarcadère de Yutz, Timothée et Colas, l’un des aides du Grec. La petite troupe prit immédiatement la route du sud vers Metz qu’elle atteignit après six heures de chevauchée. Sans faire halte en cette cité, elle gagna, à une demi-lieue de la ville, l’abbaye Saint-Arnoul où l’attendait le frère Antoine, prévenu à temps. Après une collation légère, prise tandis que des domestiques s’occupaient des montures, Timothée et le moine s’engagèrent avec leur escorte sur un chemin qui se dirigeait vers l’est. Ils parvinrent, après trois quarts de lieue, à une hauteur boisée qui dominait une vallée au creux de laquelle coulait un ruisseau. Près de celui-ci s’élevait une demeure assez vaste, sans doute le centre du domaine. Les dépendances, ainsi que les chaumières des colons et esclaves, bergers, cultivateurs, forestiers et artisans – chaque maison étant entourée par son potager et son verger, avec ses propres resserres –, s’échelonnaient, assez espacées, le long du petit cours d’eau.
Walfred, homme d’âge mûr, bien découplé, avec un visage comme taillé à la serpe, les attendait sur cette éminence. Il leur fit signe de le suivre à travers le bois sans se faire remarquer, si possible, par ceux qui travaillaient dans la vallée. Ils opérèrent ainsi un mouvement tournant avant de descendre vers le ruisseau, largement en amont de la résidence.
Ils arrivèrent à une grange située très près de l’eau et à moitié en ruine. Walfred passa par une ouverture, suivi par le comte Hainrik, le frère Antoine et Timothée. Il désigna dans un angle un tombereau endommagé qui s’était effondré sur le côté, ne reposant plus que sur une roue. Les quatre hommes s’avancèrent. Derrière le véhicule, en partie cachés par son plancher, se trouvaient deux coffres, incontestablement semblables à ceux qui étaient utilisés pour le transport de fonds. Le chambrier se précipita pour soulever leurs couvercles et il secoua la tête d’un air lugubre. Comme on pouvait s’y attendre, ils étaient vides. Le Goupil et son ami s’étaient approchés à leur tour. Le moine montra des marques sur le bois : sans doute ce qui restait de scellés.
— Évidemment, plus un seul denier ! Cette découverte n’en est pas moins du plus grand intérêt, souligna le Grec s’adressant à Hainrik sur un ton consolant. Mais, par tous les diables – comme dirait le seigneur Childebrand –, comment ont-ils pu arriver jusqu’ici ?
— Ou plutôt qui a bien pu les y amener ? demanda le frère Antoine en se tournant vers le cousin de Hainrik.
Ce dernier répondit qu’il n’en avait aucune idée.
— Sans doute le maître de ce domaine – il s’appelle Rupert – pourra-t-il nous renseigner, ajouta-t-il.
— Rupert… Rupert… cela me dit quelque chose, marmonna le
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