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Le secret de la femme en bleu

Le secret de la femme en bleu

Titel: Le secret de la femme en bleu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marc Paillet
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passé, précisa Rupert. Cette grange aux prêles, plus qu’à demi ruinée, constamment inondée, ne sert plus à rien. Personne n’y va plus, jamais. Elle a d’ailleurs mauvaise réputation. Vous savez comment sont ces gens : ils voient partout des esprits malins, des démons, des créatures infernales, des stryges…
    — Certains pourtant ont bravé ces créatures diaboliques !
    Rupert secoua la tête.
    — Mais pourquoi ? dit-il. Admettons que ceux qui les avaient volés, pleins, aient voulu s’en débarrasser après s’être approprié leur contenu… Ils pouvaient le faire n’importe où ! C’était vraiment rechercher la difficulté que de les transporter en ce lieu, situé à l’écart de toute route et peu commode d’accès… A moins que… A moins qu’ils ne l’aient expressément voulu ! Mais, encore une fois, pourquoi ?
    — C’est à cette question et à bien d’autres que répondra celui qui a la charge de l’enquête, c’est-à-dire le missus dominicus ! souligna le frère Antoine.
    Le baron Rupert, maintenant rasséréné, invita ses hôtes à entrer dans sa demeure pour se désaltérer et se restaurer avant de reprendre la route, ce que le Grec et le moine acceptèrent de bonne grâce, Hainrik et son cousin Walfred avec mauvaise humeur. Avant de prendre congé, Timothée demanda au maître du domaine de donner les ordres nécessaires pour que les coffres soient acheminés jusqu’à la résidence impériale de Thionville et y soient remis à Doremus, assistant du comte Childebrand.
    — D’autre part, ajouta-t-il, il est possible que nous te mandions en cette résidence. Tu voudras bien t’y rendre. Je suis certain que ton concours se révélera précieux.
    Même formulé sur un ton engageant, l’ordre n’en était pas moins impérieux. Le baron Rupert esquissa un geste de protestation, puis se contenta d’exprimer son déplaisir par un au revoir plutôt sec.
     
    Durant la chevauchée qui ramena la petite troupe à l’abbaye Saint-Arnoul, personne ne desserra les dents. La mise au point de Timothée qui visait aussi bien le comte Hainrik, en le remettant à sa place de chambrier, que le baron Rupert, rappelé à ses devoirs, avait jeté un froid. Au monastère, cependant, la savoureuse galimafrée ( 28 ) qui fut servie aux voyageurs, accompagnée de vins de Moselle aromatisés avec des feuilles d’absinthe, dissipa rapidement le malaise. On s’interrogea sur la découverte des coffres, ses circonstances et ses conséquences, sur le baron Rupert.
    — Certes je connaissais son nom, affirma Timothée. Mais je n’avais jamais entendu dire qu’il fût parent de l’empereur lui-même.
    — Aussi bien ne l’est-il pas vraiment, s’empressa de préciser Hainrik avec un sourire sarcastique. Son père, Cancor – il existe plusieurs nobles seigneurs de ce nom –, était, lui, le neveu de Chrodegang. Il se trouve que cet évêque était aussi le grand-oncle d’Irmengarde qui est devenue l’épouse de Louis, fils de Charles et roi d’Aquitaine. Le baron Rupert et la reine Irmengarde sont donc cousins issus de germains. Voilà de quoi se targue à tout propos le baron. Il est vrai que cette parenté n’est pas étrangère à la fortune de sa famille.
    — Comment cela ? demanda complaisamment le frère Antoine.
    — Lorsque l’illustre Chrodegang, ami et conseiller du roi Pépin, fut nommé évêque de Metz – l’année même ( 29 ) où Bertrade donnait comme fils à ce roi celui qui est devenu notre souverain –, il entreprit d’abord de faire régner l’ordre dans cette région mosellane, puis il ordonna de grands travaux pour la restauration et la construction d’églises, de basiliques, de monastères dont l’abbaye de Gorze ; l’ordre revenu, culture, élevage, activités forestières purent reprendre… Mais vous savez cela. Son œuvre fut donc continuée par l’un de ses parents, le non moins illustre Angelram, qui lui succéda à la tête de l’évêché. Sa mort, il y a quatorze années, lors d’une douloureuse expédition contre les Avars, est encore dans toutes les mémoires. D’ailleurs Charlemagne, qui l’aimait beaucoup, ne lui a nommé aucun successeur jusqu’à ce jour. Toujours est-il que pour mener à bien tout ce qui avait été entrepris, à quoi il faut ajouter la réforme de la liturgie, celle de la discipline monacale, la remise en ordre des scriptoria… entre autres, Chrodegang et Angelram eurent besoin d’hommes de tous états, de

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