Le Secret de l'enclos du Temple

nouveau pour délibérer sur le soulagement du peuple et le bien de l'État . Ils ont même enregistré cet arrêt sous le nom d'« arrêt d'union ».
    Rossignol ne savait pas, et ne pouvait donc dire aux convives, que Broussel, qui paraissait avoir pris la tête du mouvement de contestation du pouvoir absolu, était un homme simplet, plus facile à convaincre qu'un enfant dès qu'on lui citait en exemple l'attitude vertueuse des républicains romains. En réalité, et même les espions de Mazarin l'ignoraient, le pauvre Broussel était manipulé par son ami, l'inévitable coadjuteur de Paris, Paul de Gondi, qui lui faisait faire ce qu'il voulait !
    À l'annonce de Rossignol, Louis ressentit une bouffée d'inquiétude. Croisant le regard de Julie, il devina la même appréhension.
    — La reine ne tolérera jamais une telle borne au pouvoir royal, dit cette dernière au bout d'un instant, ayant d'abord hésité à donner le fond de sa pensée devant les domestiques.
    — La reine a compris que l'union des quatre compagnies pour en faire une unique assemblée serait imiter les Anglais et créer, de fait, une république. Pourtant, la Cour a paru céder et Mazarin a benoîtement expliqué qu'il avait été mal compris, et que les gages des officiers seraient bien payés.
    Au bout d'un nouveau silence empreint d'inquiétude, Louis demanda à Rossignol :
    — Mais le peuple de Paris reste calme, n'est-ce pas ? Finalement il ne s'agit que d'une querelle entre les quatre compagnies et la Cour. Et la Cour a les moyens de faire céder les conseillers.
    — En effet. Pour mettre de l'ordre dans cet embrouillamini, il suffirait de faire revenir nos armées, mais, pour l'instant, ce n'est pas possible. Voila pourquoi Mazarin cherche à gagner du temps. Il biaise et accommode autant qu'il est possible, comme il le dit souvent.
    100 Un peu moins de quarante hectares.
    101 Un peu plus de 8 %.
    102 Froment et seigle mélangés, c'était la nourriture des valets.

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    L e cardinal Mazarin ne pouvait faire revenir le prince de Condé, puisque l'archiduc Léopold, vice-roi des Pays-Bas, occupait Lille avec vingt et un mille combattants, dont une redoutable cavalerie de Croates et de reîtres avides de pillage et impatients de marcher sur Paris.
    Arrivé à Péronne le 6 mai, le comte de Bussy avait retrouvé son régiment qu'il avait conduit devant Ypres, assiégé par le prince de Condé. Si la ville était prise, non seulement les hordes de l'archiduc Léopold seraient arrêtées mais Lille se trouverait à portée de main.
    C'est là que, le 24 mai, M. de Bussy reçut une lettre du père Clément contenant un petit mot de M. Leboccage dans lequel ce dernier lui annonçait que Mme de Miramion n'avait plus la force de résister à ses parents et qu'elle serait bien aise qu'il l 'aidât par une violence apparente à dire oui 103 .
    Bussy comprit qu'elle souhaitait qu'il l'enlève et, persuadé de sa bonne fortune, choisit de le faire. Il communiqua son dessein au prince de Condé qui l'approuva et lui promit de l'envoyer à la Cour annoncer la nouvelle de la capitulation d'Ypres, sitôt qu'elle aurait eu lieu. Ainsi, il pourrait organiser plus facilement le rapt au mieux de ses intérêts. Condé lui proposa même quelques officiers pour l'assister, ainsi qu'une place forte pour enfermer la belle, si elle était rétive. Bussy le remercia, mais lui expliqua qu'il avait à Paris les amis qu'il fallait et disposerait d'une des maisons fortifiées du grand prieur de France.
    Condé prit Ypres le 28 mai, et le comte partit aussitôt pour Paris. En chemin, accompagné de son ordonnance Saint-Félis, il fit une brève halte à Luzarches afin de demander au marquis de Vivonne s'il avait découvert quelque chose sur le trésor du Temple. Mais Louis Fronsac étant absent, le comte passa la nuit au château de M. Molé, tout proche. Comme le premier président n'était pas là lui non plus, Bussy lui écrivit le soir même une lettre annonçant la prise d'Ypres, lettre qu'il laissa à son maître d'hôtel. Il repartit le lendemain pour Paris.
    Hélas, croyant bien faire, le maître d'hôtel fit porter immédiatement la lettre à son maître par un valet. Celle-ci arriva à Paris à onze heures du soir, et comme M. Molé souhaitait rentrer en grâce auprès du cardinal après l'affaire de l'arrêt d'union, il se rendit immédiatement au Palais-Royal annoncer lui-même la capitulation d'Ypres.
    Aussi, lorsque Bussy apparut à