Le Secret de l'enclos du Temple
cvstos . Mais lequel ? Tout devait être dans la phrase initiale, me suis-je dit. Alors ce mot ne pouvait-il pas être tout simplement le troisième ? La clef et le mot ayant la même valeur.
— Arcae ?
— Non, arc, seulement. On a ainsi : arcarum custos .
— Le gardien des coffres ! Mais qu'est-ce que cela signifie ?
— Ça c'est à vous de le trouver ! Il doit exister quelque part un gardien des coffres. Un homme qui garde un ou plusieurs coffres, ou coffrets…
Louis se tut. Une image lui était venue à l'esprit : celle d'un gisant de l'église Sainte-Marie-du-Temple ayant à ses pieds un coffret. Son regard s'égara vers un de ses galans noirs qu'il entreprit machinalement de renouer de la main gauche. Une opération fort difficile mais qu'il maîtrisait admirablement. Rossignol l'observait sans parler, lui aussi, ayant deviné que Fronsac réfléchissait.
Il fallait qu'il en sache plus sur ce gisant, décida Louis. Il se leva :
— Monsieur Rossignol, avant le dîner, voulez-vous que nous allions rendre visite à mon fermier ?
— Bien volontiers, monsieur le Marquis.
98 Rappelons que l'on appelait les quatre compagnies – ou cours souveraines – le Parlement, la Cour des aides, la Chambre des comptes et le Grand Conseil.
99 Dans le mi-fruit, le propriétaire de la terre, souvent le seigneur, apporte pour moitié bétail et semence, le fermier apporte l'autre moitié et son travail, plus les instruments agricoles. Il paye aussi les impôts.
25
— Q uelle est la taille de votre seigneurie, monsieur ? demanda Rossignol comme ils traversaient la grande salle.
— À l'origine, elle faisait cent arpents parisiens 100 de terres labourables, une vingtaine d'arpents de vaine pâture et cent cinquante arpents de bois et taillis. J'ai acheté quelques terres, et j'ai pu supprimer la vaine pâture, sur les conseils de mon fermier. Je dois avoir maintenant dans les cent quarante arpents de terres labourables ou de prairies.
— Mais une grande part en jachère ?
— Jusqu'à présent, oui.
— Excusez mon indiscrétion, mais avec quel rendement ?
— J'espérais que la terre pourrait rendre au denier douze 101 . J'ai été loin du compte, les quatre premières années, tant il a fallu garder des blés pour les semences ! Mais l'année dernière, pour la première fois, la seigneurie a rapporté douze mille livres en tenant compte de l'exploitation des forêts, des péages du pont par l'abbaye, de la scierie, du moulin et de l'élevage. Je prie le Seigneur qu'il en soit de même cette année, car j'ai mis tout mon argent dans le matériel et le bétail.
Ils traversèrent la cour et prirent le chemin longeant les bois. Louis expliqua à Rossignol qu'ils se rendaient à la ferme de Maurecourt. À cette heure, le fermier nourrissait les animaux.
— La jachère est malheureusement indispensable pour faire reposer la terre après avoir levé la récolte. Combien d'années la laissez-vous ? demanda Rossignol.
— En arrivant, nous avons fait comme les paysans, c'est-à-dire trois ou quatre ans de repos pour le sol. Ce n'était pas gênant, avec la plupart des champs en friche. Mais Maurecourt nous a expliqué qu'on pouvait limiter la jachère à un an en alternant les semis de froment et d'avoine, en détruisant les mauvaises herbes par de fréquents labours, et laissant un an les sols en prairies pour le bétail, ce qui fume le sol. Nous avons donc proposé aux paysans de Mercy de supprimer leur vieux droit de vaine pâture en échange d'un bénéfice sur la récolte. Tout le monde y a trouvé son compte, mais j'ai dû acheter vaches, moutons et chevaux pour engraisser le sol.
— Justement, pour les animaux… Qu'avez-vous comme bétail ?
— Sept bœufs, pour les labours. Six chevaux, mais j'en souhaite plus, une centaine de moutons ou de brebis, une dizaine de vaches et autant de porcs nourris dans les bois. Il y a aussi deux ânes et deux mules.
— Pourquoi sept bœufs, puisqu'ils vont par deux ?
— Un septième animal sert à remplacer celui qui est trop fatigué après un labour. C'est une lourde dépense. Chaque paire de bœufs vaut de trois cents à quatre cents livres, même si les mules et les chevaux sont beaucoup plus chers.
— La vache rapporte bien ?
— La vache laitière, suffisamment nourrie, peut donner dix louis par an si on la trait trois fois par jour. Les bœufs sont aussi engraissés pour la revente.
— Et le
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