Le Secret de l'enclos du Temple
matériel ?
— Nous avons trois charrues. Cette année, nous en aurons une nouvelle avec un soc de fer. La quatrième surnuméraire nous permettra de ne pas être pris au dépourvu, si l'une casse. Il faut aussi disposer des harnais, et de tous les accessoires. Je dispose aussi de trois charrettes et deux tombereaux avec des essieux en fer car l'essieu en bois est une mauvaise économie. Chacun coûte bien trois cents livres. Il y a encore l'outillage, comme les marteaux, tenailles, pelles et pioches. Nous avons une petite forge à la ferme, et un garçon fait office de maréchal-ferrant, bien que pour les gros travaux nous fassions appel au forgeron de Luzarches. J'oubliais de vous parler des animaux de basse-cour, poules, canard, oies.
— Cela fait de gros frais…
— C'est certain ! Il y a aussi les gages et la nourriture des valets, des garçons, des laboureurs, des domestiques et des servantes ; en tout une cinquantaine de personnes. Et l'achat des grains pour ensemencer, les travaux à venir à financer, comme une plus grande écurie ainsi qu'une sellerie.
*
Ils arrivèrent à la ferme dont la vaste toiture de chaume de seigle descendait presque jusqu'au sol. C'était un vieux bâtiment en colombages et torchis. Le fermier y vivait seul, expliqua Louis, avec un valet et une servante qui s'occupait de lui et lui faisait la cuisine. Quatre autres valets logeaient au-dessus de la grange.
Dans le prolongement du corps de logis se trouvaient les granges, les étables et les remises, dont plusieurs étaient encore à remettre en état. Les étables se situaient en contrebas des granges.
Le fermier remplissait l'abreuvoir avec des seaux qu'il tirait du puits. Dès qu'il vit son seigneur et M. Rossignol, il abandonna son travail et s'avança vers eux, laissant un valet continuer à sa place.
— M. Rossignol souhaiterait vous poser quelques questions, Gaspard. Je lui ai déjà dit tout ce que vous avez fait pour moi.
L'homme hocha la tête en gardant son expression à la fois bourrue et désespérée.
— Voulez-vous entrer ? fit-il d'une voix grave et sourde. Il fait moins chaud dedans, et Marie vous servira un vin de groseille.
Ils le suivirent jusque dans l'habitation qui ne comportait qu'une seule pièce au sol en terre battue. Une grande cheminée occupait presque toute la largeur du mur. À l'intérieur, une potence en fer supportait une marmite où cuisait une soupe. Au-dessus, sur le manteau, s'alignaient bougeoirs, lanternes, et toutes sortes de cruches et de pots de terre dont l'un portait un brin de buis bénit. Au mur, blanchi à la chaux, était attachée une image de la Vierge. Dans un angle grimpait une échelle vers la soupente où devait loger valets et la servante, à moins que celle-ci ne partage la couche de son maître. Près de la porte d'entrée se trouvait un cuvier en granit pour faire la lessive avec les cendres.
Une femme au visage ingrat et fatigué préparait une bouillie de farine devant une table supportant des chaudrons. Elle s'interrompit en les voyant entrer et s'inclina, tout émue, en reconnaissant son seigneur. Louis la salua d'un sourire bienveillant.
— Marie, ordonna le fermier avec douceur, sers un verre de groseille à monseigneur et à mon invité.
Il y avait un fauteuil dans lequel Louis s'assit. Le fermier s'installa sur le grand lit à piliers et Rossignol sur un grand coffre.
— J'ai une terre, en Languedoc, commença Rossignol. Elle ne rend presque rien et j'aurais besoin de conseils.
— Quel genre de sol avez-vous ? demanda le fermier.
— Argileux avec beaucoup de cailloux.
Maurecourt grimaça.
— Que cultivez-vous ?
— Du méteil 102 et quelques vignes.
— Il n'est pas bon de semer ensemble le froment et le seigle. L'expérience prouve que le seigle semé dans le même champ que le froment est au moins huit à quinze jours plus tôt mûr que celui-ci. En moissonnant tout ensemble, la majeure partie du seigle s'égraine sur le sol, ou dans le transport. Et si on moissonne le froment un peu avant sa maturité, on le sacrifie au seigle. Il vaut mieux semer le froment et le seigle séparément, et les mélanger ensuite. Votre métayer laboure-t-il avec des bœufs ?
— Non, avec des ânes, comme tout le monde là-bas.
— Quand la terre est sablonneuse, une charrue légère peut être tirée par deux ânes, mais dans votre cas, il vous faut des bœufs, décida péremptoirement le fermier.
— J'en ai expliqué
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