Le Secret de l'enclos du Temple
transpirait à grosses gouttes dans sa robe de laine. Pour autant, il supportait ce désagrément en songeant au plaisir qu'il allait connaître. Sur la butte, il se dirigea vers un moulin en ruine.
Avant de devenir moine, le père Clément avait fait des études de chirurgie à la confrérie de Saint-Cosme et Saint-Damien avec Dufresne et Campi. Plus tard, devenu frère prêcheur, il était entré au couvent de la Merci où il avait été ordonné prêtre. Là, il avait vite trouvé le moyen de grappiller quelques écus en vendant à bon escient certains secrets de confession. Il était ainsi devenu l'espion de l'abbé Basile, tout en gardant des relations scélérates avec son ami Dufresne. Ainsi, lorsque celui-ci lui avait confié qu'il voulait se débarrasser de sa femme, c'est Clément qui avait imaginé le moyen de compromettre Mme Dufresne et de la faire condamner pour sorcellerie. Par des confessions, sachant que bien des débauches avaient lieu sur la butte du Temple, il avait proposé à Dufresne la supercherie du Diable et du sac de poudre d'or, histoire déjà racontée plusieurs fois par ses paroissiennes. Il avait d'ailleurs un homme prêt à jouer le rôle du Diable, son ami Ghislain de Maffécourt, chevau-léger de la maison du roi chassé de son régiment.
Ainsi, sans connaître Clément, Gaston de Tilly avait vu à peu près juste dans la cabale.
Depuis des mois, le père Clément confessait une jolie paroissienne aussi sotte que Mme Dufresne. Le moine s'était mis en tête de renouveler ce qu'il avait fait avec l'autre, mais pour son propre compte. Seulement sa victime était pauvre et ne lui avait remis que trois écus en tout et pour tout, n'ayant aucune ressource pour faire dire des messes. Mais comme la pauvre femme voulait à tout prix être délivrée du Démon, le père Clément avait décidé de se payer autrement. Ce 6 août, il avait donné rendez-vous à sa pénitente dans un moulin abandonné de la butte afin de pratiquer sur elle une séance d'exorcisme d'une sorte qu'il ne pouvait faire au couvent. Ensuite, elle serait libérée, lui avait-il assuré.
La naïve avait accepté.
*
La veille du jour de la Transfiguration, sous une pluie battante et juste avant la nuit, Germain Gaultier passa l'Ysieux et arriva à Mercy. Il avait fait la route à pied. Le dîner était fini depuis longtemps, mais Mme Fronsac lui fit servir immédiatement une soupe chaude avec un reste de poularde.
Quand Louis vit son domestique, il s'imagina qu'une catastrophe venait de se produire à Paris. La maison avait-elle pris feu ? Avait-elle été attaquée par des brigands ? Pillée par la populace ? À moins que ce soit l'étude familiale… Germain avait tout de suite rassuré son maître.
— Rien de tout ça, monsieur le marquis ! C'est de ma sœur, qu'il s'agit, monsieur, je ne sais plus que faire…
Devant les Fronsac, Bauer, Margot et son époux, il expliqua :
— Ma sœur a changé, monsieur, expliqua Germain en regardant Bauer, embarrassé. Depuis quelques mois, elle se confesse plusieurs fois par semaine. J'ai vu qu'elle portait un cilice. Elle prie toute la journée comme ces dévotes qui hantent les églises.
Bauer serra les poings. Lui aussi savait tout cela.
— Je ne sais ce qui se passe, peut-être veut-elle entrer dans les ordres. Mais elle n'a pas d'argent ; aucun couvent ne voudra d'elle. J'ai essayé de lui en parler, mais elle reste muette. Je suis venu, car j'ai pensé que vous pourriez lui parler. Vous êtes notre seigneur…
— Je le ferai, Germain, mais pas en ce moment. Nous avons commencé à couper les blés mais la pluie a tout interrompu. Dès qu'il fera sec, on se remettra à l'ouvrage. Je dois rester ici, pour l'instant.
Germain déglutit et demeura le visage baissé.
Un lourd silence tomba.
Louis était fort embarrassé. Il ne pouvait partir tant il aurait de décisions à prendre dans les jours prochains. Déjà une partie de la récolte était perdue à cause de la pluie, et il ne prendrait pas le risque de hasarder le reste. Après tout, Marie Gaultier pouvait attendre, et sa nouvelle dévotion ne pesait rien face au risque de disette.
— Monsieur, je ne moissonne pas, laissez-moi y aller et lui parler.
C'était Bauer qui venait de s'exprimer ainsi. Bauer, l'amant de Marie.
Les regards se tournèrent vers lui. Tout le monde connaissait ses relations avec la sœur de Germain, même si chacun faisait mine de les ignorer. Un jour pourtant,
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