Le Secret de l'enclos du Temple

ce scélérat ?
    Baatz lâcha le moine qui se signa aussitôt.
    — M. de Bussy, monseigneur.
    — Cet homme vain ! Il n'oserait s'attaquer à cette sainte ! gronda d'Artagnan en secouant la tête.
    — Il osera, monsieur ! Sa troupe est prête. Il a prévu de lui faire violence et, après l'avoir déshonorée, de contraindre sa famille au mariage comme M. de Châtillon en a usé avec Mlle de Bouteville !
    Baatz resta d'abord pétrifié. Bussy poursuivait la même femme que lui et il l'ignorait ! Ce faquin oserait-il l'enlever et la violenter ? C'est alors que le doute s'insinua dans son esprit méfiant.
    — Pourquoi venir me trouver ? demanda-t-il, en plissant les yeux.
    Clément avait réponse à tout :
    — Je suis le confesseur de Mme de Miramion, monseigneur. Elle est ma paroissienne et m'a fait part de certaines de ses pensées envers vous, et pour lesquelles je lui ai imposé une pénitence. Ces pensées, j'ai aussi dû les chasser de mon esprit, monseigneur, tant elles étaient impudiques… précisa le moine à voix basse, en baissant les yeux.
    — Impudiques ? s'exclama le mousquetaire, brusquement ragaillardi, tout en lissant sa moustache de satisfaction.
    Il fit quelques pas dans la pièce avant de se retourner vers le père Clément.
    — Frocard, je te remercie ! Va à cette table et prends un des louis qui s'y trouve. J'irai demain trouver M. de Bussy et lui passerai mon épée à travers le corps.
    — Et vous aurez la tête coupée, monsieur ! Il vaudrait mieux que vous empêchiez cet enlèvement. Si vous sauvez Mme de Miramion tandis qu'on s'attaque à elle, elle vous en sera éternellement reconnaissante, ainsi que son frère et ses parents. Sans compter qu'à cette occasion, vous aurez l'occasion de passer votre épée à travers le corps de M. de Bussy sans qu'on vous le reproche.
    L'abbé Basile avait bien insisté : il ne voulait pas d'un duel entre les deux gentilshommes. Dans une rencontre d'honneur, Bussy pouvait n'être que blessé. Il fallait que Baatz réunisse une importante troupe et anéantisse complètement les ravisseurs dans un combat sans merci.
    Baatz resta silencieux, hésitant sur la façon d'agir. Finalement, il s'approcha du moine, qui venait de prendre le louis et recula d'un pas, apeuré.
    — Comment vois-tu les choses, moinillon ? demanda-t-il d'une voix si douce qu'elle en devenait effrayante.
    — J'ai… j'ai demandé à l'homme confessé de revenir la veille de l'enlèvement… pour que je lui donne l'absolution, à condition qu'un mariage ait lieu sitôt après que M. de Bussy aura fait violence à Mme de Miramion…
    — Quoi !
    Cette fois Baatz attrapa à deux mains la robe du moine, prêt à le jeter contre le mur pour l'assommer.
    — C… C'était une ruse, monseigneur ! bredouilla Clément, terrorisé… L'entreprise est prévue le 7 août et cet homme en ignorait l'heure et le lieu exacts. Mais pour recevoir mon absolution, il reviendra… et je lui réclamerai alors tous les détails…
    Baatz, brusquement attentif, lâcha Clément.
    — … Rassemblez des amis et je vous avertirai dès que je saurai tout, poursuivit le moine, de sa voix rauque hachée par l'émotion. Vous n'aurez qu'à vous trouver sur le lieu de l'enlèvement pour faire justice. Les ravisseurs seront seulement cinq ou six. Si vous êtes deux fois plus nombreux…
    D'Artagnan opina. Il rassemblerait sans peine une vingtaine de mousquetaires au Palais-Royal. Se rendre sur le lieu de l'enlèvement, massacrer ces brigands et revenir lui prendrait au plus trois ou quatre heures.
    — D'accord, père Clément. Je vous attends ici le 6, au soir. Et tâchez de ne pas m'oublier !
    121 Casque à crête.
    122 C'était un pèlerinage très à la mode sous Louis XIII.

30
    L e jour de la Transfiguration, juste avant la messe, Mme de Miramion vint se confesser au père Clément. Il la questionna si habilement qu'elle lui fit part de l'heure de son départ pour le couvent du Mont-Valérien et de son itinéraire.
    Le père se rendit aussitôt chez M. de Bussy lui répéter ce qu'il venait d'apprendre, mais, en quittant le Temple, au lieu de retourner dans son couvent, il se dirigea vers la porte de la ville et emprunta le petit chemin qui montait vers les moulins. Il avait plu durant une semaine et c'était le premier jour de beau temps depuis le début du mois. Même si de gros nuages noirs traversaient encore le ciel, la chaleur était accablante et le moine