Le Secret de l'enclos du Temple
d'union du 13 mai et avaient décidé d'élire des députés chargés d'œuvrer à la réforme de l'État. Le secrétaire d'État, M. Guénégaud, s'était aussitôt rendu au Palais afin de casser cette décision, mais il en avait été chassé par quelques centaines d'opposants.
Accompagnés d'une foule immense qui les acclamait, les représentants du Parlement avaient ensuite été reçus par la reine. Molé avait tenté de justifier la déclaration des compagnies, mais la régente l'avait interrompu en lui déclarant que si elle connaissait son affection au service du roi, elle savait aussi qu'il y avait nombre de factieux au Parlement, et que, s'ils continuaient, ils devraient prendre garde à leur personne !
Elle avait ensuite rappelé l'interdiction faite au Parlement de s'assembler. Le peuple s'était alors mis à gronder et, pour éviter l'émeute, le duc d'Orléans avait proposé un accommodement. Une réunion avec le président Molé et le cardinal s'était déroulée dans son palais du Luxembourg où, finalement, on avait jugé l'arrêt de la chambre de Saint-Louis acceptable s'il restait tel quel.
Sans armée, abandonnée par le premier prince de sang, la reine, frémissante de honte et de colère, dut se résigner à autoriser la Chambre de Saint-Louis à proposer des mesures visant à soulager le peuple et à réduire les désordres de l'État. Le Parlement et la population de Paris – ces gens que la reine nommait : la canaille – avaient donc gagné.
Tout au moins le croyaient-ils.
*
Aux premiers jours de juillet, quand Fronsac père rentra à Paris, le pouvoir avait changé de main. La France se voyait désormais gouvernée par le duc d'Orléans, lequel acceptait avec bonhomie toutes les exigences des parlementaires.
Dans la Chambre de Saint-Louis, les magistrats, enfiévrés par Broussel, tenaient chaque jour séance et élaboraient ce qui devait devenir une constitution pour le royaume. Peu à peu se dessinèrent vingt-sept articles. Parmi eux figuraient l'abolition des intendances et la révocation de toutes les charges par lettre de commission dont les pouvoirs n'avaient pas été vérifiés par le Parlement. Les parlementaires condamnaient aussi les arrestations non suivies de jugement au-delà de vingt-quatre heures, et principalement les lettres de cachet. Mais leurs principales décisions portaient sur les dépenses et les ressources de l'État. Les gages devaient être payés ; la création de nouveaux offices interdite ; les tailles réduites du quart ; et les nouvelles redevances, comme le toisé, abolies. Enfin l'impôt serait désormais uniquement collecté par les trésoriers. Les partisans se voyaient retirer toutes leurs attributions accordées par traités.
Le 9 juillet, Émery perdit sa charge de surintendant et fut exilé sur ses terres.
Le résultat de telles décisions ne tarda pas. L'État ne fonctionnait déjà que par expédients. En attendant qu'on le soulageât d'une partie de l'impôt, le peuple prit les devants et ne voulut plus rien payer. Dans plusieurs villes de France, des émeutes éclatèrent contre les receveurs, et la collecte cessa en quelques jours. Très vite, il n'y eut plus d'argent dans les caisses alimentées par les partisans, ceux-ci ayant cessé tout versement. Plus aucune rente, plus aucun gage ne fut réglé. En quelques jours, se dessina la banqueroute.
Plus payée, la garde suisse voulut partir. La reine dut emprunter et mettre en gage les diamants de la Couronne pour assurer la nourriture et le fonctionnement de sa maison.
Le 10 juillet, n'ayant pas reçu leurs émoluments, une douzaine d'officiers de la maison du roi s'attaquèrent à celle de Martin Tabouret, l'un des plus gros financiers de Paris dont la fille avait épousé M. Chémerault. Gaston de Tilly fut chargé de les rendre à la raison tout en craignant que d'autres agressions du même type se reproduisent. Lui-même n'était plus réglé et sa charge de maître des requêtes par commission sur le point de se voir invalidée par le Parlement.
Afin d'affronter la banqueroute, le Parlement décida l'annulation des prêts des financiers à la Couronne et la mise en place d'un tribunal pour juger de la validité des contrats de fermage, décisions qui augmentèrent la défiance et précipitèrent la ruine de l'État. À la demande de Mazarin, dans l'incapacité de payer la solde des armées, le duc d'Orléans vint au Parlement supplier que l'on ajourne toutes les
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