Le Secret de l'enclos du Temple
s'imposait.
Remontant chez lui, Gaston rassembla les dernières armes : une carabine, trois épées et trois pistolets dont celui à quatre coups que Fronsac lui avait offert trois ans auparavant, une belle arme à deux platines à silex dont les chiens ciselés représentaient une nymphe affrontant un satyre. Les quatre canons courts pivotant deux à deux autour d'un axe, on pouvait tirer quatre fois d'un simple mouvement du poignet.
Il remit une vingtaine d'écus aux domestiques qui restaient, et ceux-ci descendirent les derniers bagages. Armande et les deux femmes de chambre, couvertes d'épais manteaux, s'installèrent dans le carrosse humide et glacial avec un panier de nourriture. Il les rejoignit. François alluma les lanternes de part et d'autre du siège et la voiture s'ébranla. Son cousin tenait les rênes.
Dans les rues désertes, malgré la pluie battante, il ne nota aucun bruit, sinon celui des éclaboussures des roues et du claquement des sabots. Les suspensions de cuir étaient si usées qu'elles provoquaient juste un faible soupir. Personne ne parlait dans la voiture qui remonta rapidement la rue Saint-Avoye jusqu'à la porte du Temple.
Gaston restait penché à une fenêtre, scrutant attentivement le chemin. Il y avait peu de lanternes allumées, sinon devant de rares cabarets. Plus il se rapprochait de la porte, plus sa tension grimpait. Aucune lumière ne se distinguait devant lui, sinon celle de l'entrée de l'enclos du Temple.
Effectivement, devant la porte fortifiée il découvrit les grands vantaux de bois ferrés clos. Au bruit de la voiture, deux bourgeois en morion et corselet sortirent, mousquets et mèches allumées à la main. Un troisième les suivait avec une hallebarde et un pistolet à la ceinture.
Gaston les héla de la fenêtre :
— Pourquoi est-ce fermé ? Les portes ne sont closes qu'à neuf heures ! Où est votre capitaine ?
— Ordre de M. Le Féron. Toutes les portes de Paris sont closes. Le capitaine est à l'Hôtel de Ville.
Le cœur de Gaston cessa de battre un instant.
— Mais les portes étaient ouvertes cet après-midi ! protesta-t-il.
— Nous venons de recevoir l'ordre, monsieur. Rentrez chez vous, il y a couvre-feu dans une heure.
— Nous avons un passeport de M. le coadjuteur ! Je dois me rendre en Normandie. C'est une mission importante !
— Allez voir la porte de la rue Saint-Martin, proposa l'homme à la hallebarde, plus conciliant que les autres. Sinon, il vous restera celle de la rue Saint-Honoré. La garde a le droit de l'ouvrir à toute heure pour recevoir les courriers de Saint-Germain. Peut-être feront-ils une exception pour vous…
Gaston le remercia et ils rebroussèrent chemin vers la porte Saint-Martin. Il avait demandé à François de rester aux aguets : on n'était pas très loin de la cour des Miracles et des truands pouvaient fort bien barrer une rue et les attaquer.
La porte était elle aussi fermée. Aussi tentèrent-ils leur chance avec celle de Saint-Denis. Close à son tour.
Gaston songea avec angoisse à La Goutte qui devait, maintenant, les attendre à Montfaucon. Vêpres avaient sonné depuis longtemps.
— Redescends vers la place des Victoires, ordonna-t-il au cocher, on rejoindra la rue Saint-Honoré par les jardins du Palais-Royal.
La pluie avait cessé. La voiture fila à vive allure et ne fut arrêtée qu'une fois par une chaîne tendue, mais sans garde, que François décrocha facilement.
Le long du jardin du Palais-Royal, un peloton de gardes suisses les arrêta. Par chance, Gaston connaissait vaguement l'officier, lequel savait que le procureur de l'Hôtel du roi avait autorité sur les cent-suisses de l'Hôtel ; il les laissa passer. Ils poursuivirent par la rue Neuve-des-Petits-Champs, puis tournèrent dans la rue Neuve-Saint-Roch.
Ils allaient déboucher rue Saint-Honoré quand ils entendirent les cris. Puis un épouvantable hurlement.
François arrêta aussitôt le carrosse.
— Que se passe-t-il ? demanda Armande d'une voix inquiète.
Gaston la rassura de la main et descendit. On percevait distinctement les vociférations. Des : « À mort ! » Et surtout des interjections obscènes. Des truands s'attaquaient sans doute à des femmes, vu les mots crus qu'il entendait. De nouveau, retentit un long hurlement d'épouvante. Gaston remonta en voiture, saisit deux pistolets et deux épées et ordonna à François :
— Viens avec moi !
Il ajouta au cocher :
— Attends-nous
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