Le Secret de l'enclos du Temple

remarqua poliment Miron.
    — Je le sais, dit Tilly. Je me suis présenté à celle du Temple, ignorant qu'elle était close, aussi ai-je dû traverser la ville. J'ai encore perdu du temps à sauver la vie de Mme de Motteville, assaillie par la canaille.
    — Quoi !
    Miron se dressa.
    — Vous avez bien entendu, monsieur. Mme de Motteville, première femme de chambre de la reine, et sa sœur, ont failli être lapidées. Quand le roi le saura, il y aura des sanctions terribles contre le guet bourgeois, incapable de faire régner l'ordre comme c'est son devoir.
    — Où sont-elles maintenant ? demanda Miron d'une voix blanche… Je dois aller m'excuser.
    — Je les ai confiées au marquis de Beuvron qui les a conduites au Louvre. Bref, tout ceci m'a beaucoup retardé et je suis attendu. Pourriez-vous m'ouvrir la porte ? Je suis seulement avec mon épouse, ses femmes de chambre et mon laquais. Je n'ai aucun bagage, aucun objet de valeur et je ne vais pas retrouver la Cour à Saint-Germain.
    — Je ne vous demande rien, fit Miron en s'inclinant. Cette lettre de M. de Gondi me suffit. Monsieur Versant (il s'adressait au dizainier) : ouvrez la porte pour M. de Tilly.
    L'autre s'inclina. Gaston regagna son carrosse, soulagé et songeant que si Mme de Motteville n'avait pas été agressée, Miron ne l'aurait peut-être jamais laissé partir.
    *
    François s'installa sur le cheval de tête avec une autre lanterne et le carrosse sortit de la ville. Sous des nuages si épais que les étoiles restaient invisibles, ils progressaient dans l'obscurité totale, les lampions éclairant juste à quelques pas au devant. Heureusement, Gaston connaissait à peu près l'itinéraire. Plusieurs fois pourtant, la route étant noyée sous les flaques, il descendit scruter le chemin.
    Ils s'étaient dirigés vers les Bénédictines, mais, au-delà, ne suivirent pas la route qui longeait les fortifications, à cause des trop nombreux campements de gueux. Tilly préféra contourner la ville par le chemin de Monceaux, malheureusement fort embourbé, puis par la droite en direction de Notre-Dame-de-Lorette.
    La voiture avançait très lentement, autant à cause de l'obscurité que de la boue et des fondrières. Heureusement, il ne pleuvait plus. En outre, avec le mauvais temps, on ne devait pas trouver le moindre malandrin dehors. Ils suivirent le chemin d'Enfer, puis celui du Paradis. Armande fit passer aux conducteurs des tranches de pâté, du pain et deux flacons de vin qui les revigorèrent un peu.
    Arrivés au chemin du faubourg Saint-Denis, Gaston essaya de retrouver l'hôpital Saint-Louis. Les maisons et les fermes situées le long restaient invisibles et les carrefours lui parurent plus nombreux que dans ses souvenirs. Au bout d'un moment, il comprit qu'il s'était perdu.
    Ses bottes avaient pris l'eau. Il était gelé et regrettait amèrement de ne pas avoir emporté un brasero à charbon de bois pour les femmes. Il avait sottement cru que le trajet serait bref, mais voilà déjà six ou sept heures qu'ils étaient partis.
    Que décider ? Rebrousser chemin ? Il n'était même pas certain d'y parvenir. La fatigue et le désespoir l'envahirent.
    — Gaston, une lumière !
    C'était Armande qui avait crié. Son mari sauta au sol et la rejoignit dans le carrosse. Là, elle désigna une faible lueur au loin. Une maison ? Un couvent ? Dans ce cas, ils y trouveraient du secours. Il remonta sur le siège et indiqua au cousin de François de se diriger vers le halo.
    Au bout d'un moment, ils aperçurent une lanterne contenant une chandelle allumée. Et Gaston reconnut le porche de l'hôpital Saint-Louis. Ils se trouvaient donc dans la bonne direction ! Ils arrivèrent enfin à la rampe qui montait sur la butte où se dressait le gibet de Montfaucon. La lueur devenait bien visible et Gaston comprit qu'il s'agissait d'un des flambeaux donnés à La Goutte. Il avait dû l'allumer sur l'un des piliers de pierre.
    Enfin ils débouchèrent devant la plateforme, où un joyeux feu pétillait. Le chariot aux futailles était invisible, sans doute à l'abri. Desgrais avait fait cuire un lièvre qu'il avait tué – Dieu sait comment –, plat distillant un parfum bougrement appétissant.
    Armande sortit de la voiture et se précipita mi-pleurant mi-riant vers les deux hommes. Les femmes de chambre l'imitèrent.
    Ils étaient sauvés.
    *
    Plus tard, autour du feu, serrés dans des vêtements secs sortis des futailles, les uns et les