Le Secret de l'enclos du Temple
installés plus loin, au moulin des pendus.
— M. de Bussy ! Quel bonheur ! s'exclama Gaston, brusquement soulagé.
— Le connaissez-vous, monsieur ?
— Je crois être un de ses meilleurs amis ! Vous allez nous conduire près de lui. Mais, auparavant, descendez de cheval et allez saluer les dames qui se trouvent là-bas.
Il désigna le carrosse. L'officier, désemparé, regarda son sergent. Puis ils mirent tous deux pied à terre et se dirigèrent, penauds, vers la voiture.
Gaston fit signe à ses hommes de se montrer. Ils s'avancèrent, méfiants, carabine et pistolets à la main.
— Vous pouvez sortir, mes amis, dit-il, nous ne craignons rien. Ces braves soldats vont nous escorter auprès de M. de Bussy.
*
Les « braves soldats » s'exécutèrent, en effet, accompagnant le carrosse et le chariot jusqu'à leur campement, quelques tentes construites à la hâte autour d'un vieux moulin près duquel s'était élevée, jadis, une double potence dont il restait des morceaux de poutres et des ossements.
Le comte de Bussy s'y trouvait. Surpris est un faible mot pour décrire son état, quand il découvrit Gaston de Tilly et son épouse. Il complimenta son lieutenant pour la finesse de son jugement en ayant reconnu un gentilhomme en M. de Tilly et en lui ayant proposé de l'accompagner. Gaston ne broncha pas, mais sourit, sachant que le jeune officier avait encore bien à apprendre ; à moins qu'il ne se fasse tuer avant, la bêtise étant souvent mortelle en temps de guerre.
Bussy dirigeait une cinquantaine de soldats effectuant des patrouilles autour de Paris. Ses chevau-légers étant accompagnés de deux chariots d'intendance, le comte fit facilement dresser une table sur tréteaux pour un dîner avec ses officiers. Les deux femmes de chambre y furent invitées, et Gaston insista pour que les quatre hommes l'accompagnant mangent avec les bas officiers.
À table, Tilly raconta ce qui se passait à Paris, puis fit le récit de leurs aventures. Bussy expliqua qu'il avait quitté la ville le jour des Rois, dès qu'il avait connu le départ du prince de Condé.
— Je me suis rendu à Saint-Germain. Deux jours après, Mgr m'a commandé d'aller en Bourgogne quérir sa compagnie de chevau-légers. J'avais auparavant à faire quelques patrouilles, et c'est pourquoi vous me trouvez ici. Nous partirons demain. J'ai déjà résolu de mettre le feu au château de Rubel qui appartient au frère de Mme de Miramion 159 . Il s'agira d'une bonne leçon.
— Je serais vous, je n'en ferais rien, lui répliqua Gaston. Votre affaire peut encore s'arranger, assura-t-il bien qu'il n'y crût guère.
— Nous verrons ! soupira Bussy.
Tilly lui fit aussi part du souhait de son ami Louis Fronsac de le rencontrer, dès que les troubles seraient terminés. Comme Bussy ignorait que Gaston connaissait l'affaire du trésor, il n'osa pas le questionner plus avant.
Après le dîner, il lui donna quelques hommes comme escorte et les fugitifs arrivèrent à Mercy à la nuit tombante.
158 Voir La Conjuration des Importants .
159 Dans ses Mémoires , Bussy raconte qu'en arrivant à Rubel avec sa compagnie, il changea de résolution et refusa de se venger de ceux qui le persécutaient. Il occupa seulement le château et y mit un garde du Prince, auquel il défendit de ne rien piller. Ce procédé-là devait, selon lui, lui gagner le cœur de la dame. Il n'en fut rien !
45
L e reste du mois de janvier ainsi que les deux premières semaines de février se déroulèrent dans l'apaisement malgré un froid incessant et une neige en abondance. Gaston, Armande et sa femme de chambre s'installèrent au premier étage de l'aile droite du château, dans une pièce mitoyenne de celle de Bauer – c'était le logement de M. Fronsac père quand il venait – et les hommes eurent droit à une paillasse, à l'étage au-dessus. Chacun se serra un peu plus.
On vida aussi les futailles de Gaston dont on rangea soigneusement le contenu, sauf l'or de M. Fronsac que Louis mit à l'abri au sein d'une cachette aménagée dans un mur de sa chambre où il dissimulait ses valeurs.
*
Le soir de leur arrivée, autour d'une grande tablée en compagnie des plus fidèles serviteurs de la seigneurie, Gaston et sa troupe racontèrent leur périple.
Louis Fronsac savait la Cour partie à Saint-Germain – quelqu'un de Luzarches était venu le prévenir – mais il ignorait que les ducs de Bouillon et d'Elbeuf s'étaient mis au service du
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