Le Secret de l'enclos du Temple
à une condition, plaisanta-t-il, c'est que vous montiez dans mon carrosse et me racontiez comment vous avez écrasé ces Croates qui pillent nos campagnes.
— Ce sera un grand honneur, monsieur.
— Je vous préviens pourtant, vous prenez de grands risques en restant avec moi. Je doute fort d'être accueilli avec chaleur.
M. de Mesmes et les autres conseillers gardèrent le silence en conservant un visage sombre, nullement égayé par la plaisanterie du premier président.
— J'ai pris d'autres risques dans le passé, monsieur, répliqua Louis.
— Je le sais, mon ami, je le sais, répondit Molé en souriant avec reconnaissance. Nous partons dans une heure. Nous attendons mon fils.
Le convoi des députés, qui comprenait plusieurs carrosses, s'ébranla vers midi. Molé proposa à Louis une place dans le sien, où montèrent aussi M. de Champlâtreux et le président de Mesmes, tandis que Guillaume suivait avec le cheval de son maître. Jusqu'à Neuilly, ils furent escortés par un escadron de cavalerie des gardes du maréchal de Gramont qui, lui-même, s'installa dans la voiture à côté du premier président.
Louis dut faire un récit du siège de son château, qui impressionna ses compagnons de voyage, puis, à son tour, posa des questions sur la paix.
— Elle n'a jamais été si proche, monsieur le marquis, répondit Molé. Ces messieurs du Parlement – il en parlait comme s'il n'en faisait pas partie, remarqua Louis, amusé – attendaient beaucoup de l'armée de M. de Turenne, mais ses troupes l'ont abandonné. Ils comptaient aussi sur M. de Longueville et sur le parlement de Rouen qui devait lever une troupe pour menacer Saint-Germain, mais personne n'a eu la folie de commettre un tel crime de lèse-majesté. Il ne leur restait donc que l'Espagnol, c'est-à-dire trahir la France, et je m'y suis opposé. Quant à la reine, elle savait que l'armée espagnole approchait et qu'il lui fallait envoyer de nouveaux hommes en Picardie, donc lever le siège de Paris. Aussi, tout le monde était disposé aux concessions.
— Et quand bien même ces messieurs du Parlement ne voudraient pas la paix, grinça Champlâtreux, les Parisiens qui meurent de faim pourraient bien la leur imposer. J'entends que les articles de cette paix déplairont aux princes et généraux qui souhaitent que les Parisiens leur donnent encore beaucoup d'argent. Après tout, ils ont déjà reçu quatre millions en deux mois qui leur ont servi à régler leurs dettes et acheter de la vaisselle d'argent. Ces messieurs voudraient bien que la guerre continue pour leur intérêt particulier, et même faire venir les Espagnols qui mangeront le bien des pauvres gens encore mieux que ne l'ont fait les Allemands de M. le prince de Condé.
— Il est vrai que de Conti et de Beaufort sont prêts à risquer la vie du peuple ! remarqua ironiquement Molé. Leur pouvoir de nuisance, comme celui de M. le coadjuteur, reste malgré tout formidable.
— Quels sont les termes du traité ? demanda Louis.
— Au départ, la reine exigeait que le Parlement s'engageât à aller tenir séance à Saint-Germain, tant qu'il plairait au roi, et qu'il ne s'assemblât plus durant trois ans. Après une difficile négociation, nous avons obtenu que le Parlement ne se rende à Saint-Germain que pour un lit de justice où la déclaration contenant les articles de la paix sera publiée.
« Mais ne nous voilons pas la face, les principaux termes de la paix ne sont pas à notre avantage : interdiction pour les chambres de se réunir durant un an, annulation de tous les arrêts pris, sauf les décisions de justice entre particuliers, déposition des armes des Parisiens, renvoi du plénipotentiaire espagnol. La Bastille sera rendue et la surintendance des Finances pourra emprunter au denier douze. Les généraux ont quatre jours pour déclarer vouloir être compris dans la paix, et de Longueville, ainsi que le parlement de Rouen, n'en ont que dix.
— En contrepartie le siège sera levé ?
— Oui. Les gens de guerre se retireront des environs de la ville et les arrêts du conseil royal seront annulés.
— Et ceux qui ont été pillés, comme mes parents ? ajouta Louis, tandis qu'ils passaient devant une ferme incendiée dont un grand arbre portait une dizaine de pendus.
— Papiers et meubles seront rendus, mais il y aura amnistie pour ce qui a disparu, même pour le vol des deniers royaux et des armes dans les arsenaux.
— Le roi fera
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