Le Secret de l'enclos du Temple
effondrées.
Sa nuit fut peuplée de cauchemars. Dans sa chambre dévastée, Louis avait conscience que la ruine venait de frapper les Fronsac. Or, c'était à cause de lui. S'il ne s'était pas opposé à Beaufort, cinq ans plus tôt, l'étude n'aurait pas été saccagée.
*
Le matin, il se rendit au Palais pour tenter de rencontrer Paul de Gondi, élu conseiller. À la nouvelle de la paix signée, une immense foule avait envahi la cour de Mai ; il dut laisser son cheval dans une écurie voisine, sous la garde de Guillaume. La grande galerie était noire de monde et c'est en jouant des coudes qu'il parvint à approcher de la Grand-Chambre où Molé s'expliquait devant les conseillers et les généraux de la Fronde.
Louis ne put entendre le premier président détailler le procès-verbal du traité car chacune de ses phrases était couverte par les interjections de ceux refusant l'accord. On criait qu'il n'y avait point de paix ; que le pouvoir de négociation de Molé avait été révoqué ; qu'il avait abandonné lâchement les généraux et les frondeurs.
Survint ensuite une menaçante intervention du prince de Conti, qui s'étonna que l'on eût conclu sans lui ni sans les autres généraux, et affirma ne pouvoir accepter les conditions du Mazarin.
Autour de Louis, la foule déchaînée vociférait :
— Vive le coadjuteur !
— Point de paix et point de Mazarin !
Nombre d'entre eux brandissaient des piques et des épées, jurant de tuer ceux qui accepteraient la paix tant que Mazarin était encore dans le royaume.
Le vacarme devint tel que la séance fut suspendue pendant que le coadjuteur et un gentilhomme, siégeant avec les ducs et pairs, sortaient calmer le peuple.
Louis eut la vague impression d'avoir déjà rencontré celui qui accompagnait Gondi. Très grand, vêtu d'un habit de soie blanche, il était coiffé d'un chapeau à pennaches blanches qui mettait en valeur sa chevelure blonde et bouclée au fer. À côté du coadjuteur, petit, noiraud de peau, et en soutane noire, ce gentilhomme formait un saisissant contraste.
Dans la grande galerie, la foule les acclama dès qu'elle les aperçut :
— Vive le coadjuteur !
— Vive M. de Beaufort !
Ainsi c'était le duc ! s'étonna Fronsac, en examinant le grand blond plus longuement. Il l'avait effectivement aperçu dans le corridor de la duchesse de Chevreuse, durant la cabale des Importants.
Beaufort harangua la populace avec les mots vulgaires qu'elle aimait et parvint à l'apaiser un moment. Mais le fracas recommença sitôt qu'il fut revenu dans la Grand-Chambre.
— Il faut aller à Saint-Germain quérir notre bon roi ! hurlait-on.
— Il faut jeter dans la rivière tous les mazarins !
D'autres injures, plus crues, visaient la reine et le cardinal. Certaines, encore, menaçaient Molé d'être pendu à Montfaucon.
*
Malgré cette émeute – heureusement contenue par les archers –, les parlementaires parvinrent à décider que les députés retourneraient à Rueil négocier le sort des généraux exigeant de nouvelles garanties. Trois articles devaient aussi être revus : celui sur la venue du Parlement à Saint-Germain pour le lit de justice, celui sur les prêts à la Couronne et celui sur l'interdiction des assemblées générales des chambres.
Quand tout fut accepté, les parlementaires s'apprêtèrent à sortir, mais devant le tumulte et les menaces toujours plus violentes de la foule plusieurs vidèrent les lieux par la porte du greffe. Paul de Gondi proposa à Molé d'agir de même avant de le faire raccompagner chez lui par une escorte.
Louis, qui s'était approché, entendit alors cette forte phrase du premier président retentir au milieu des brouhahas :
— La cour ne se cache jamais ! Même si j'étais assuré de périr, je ne commettrais pas cette lâcheté, qui, de plus, ne servirait qu'à donner de la hardiesse aux séditieux.
Gondi se tourna alors vers les factieux dans la grande galerie et parvint à les adoucir, ce qui ne lui fut pas difficile puisqu'il organisait la manifestation. Molé put alors sortir, fort dignement, mais protégé par les huissiers, le coadjuteur et le duc de Beaufort.
Louis, au premier rang, s'avança, tandis que de grandes clameurs hostiles à la reine retentissaient, parmi lesquelles on entendait nettement le mot : République !
Voyant Fronsac, Molé lui tendit les bras pour l'accoler et Paul de Gondi l'invita à se joindre à eux. Louis rejoignit donc le
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