Le secret d'Eleusis
Les pales le lui arrachèrent des mains et le déchiquetèrent, mais certains lambeaux de tissu s’enroulèrent autour de la tête du rotor et entravèrent la rotation. L’hélicoptère fit une embardée, se coucha sur le flanc et les pales débitèrent sauvagement le pont du yacht. Des échardes volèrent de toutes parts comme des éclats d’obus.
Un des patins d’atterrissage se coinça dans le bastingage. L’hélicoptère resta accroché au yacht un instant, puis bascula dans la mer en emportant Knox avec lui. Un réservoir se fendit en deux et répandit du carburant dans l’eau. Les yeux horriblement irrités, Knox vit des étincelles voltiger autour de lui. De longues flammes vinrent lui lécher le dos et les épaules. Il se laissa descendre sous l’eau le temps que le feu s’éteigne. Lorsqu’il remonta à la surface, il vit l’un des hommes de Mikhaïl pousser de toutes ses forces la porte de l’hélicoptère et se jeter dans la mer, avant de battre des mains comme s’il ne savait pas nager. Le deuxième sortit à son tour. Knox les laissa s’enfuir et se faufila par la porte avant que la pression de l’eau ne la referme. La cabine, qui contenait de l’air, flottait toujours, mais la queue de l’appareil sombrait rapidement. Le plancher était déjà incliné à un angle de quatre-cinq degrés et le niveau de l’eau montait sans cesse. Le pilote était attaché à son siège, la bouche et les yeux grands ouverts. Le choc lui avait brisé la nuque. Mikhaïl était encore à l’intérieur, lui aussi, bien vivant, mais retenu par la Toison d’or, qui s’était coincée entre son siège et la carrosserie voilée de l’hélicoptère. Furieux, il essayait d’ouvrir le fermoir mais, lorsqu’il vit Knox, il comprit qu’il n’avait plus de temps à perdre. D’un coup d’épaule, il redressa juste assez la carrosserie pour tirer sur la Toison d’or et se libérer.
Entre-temps, la cabine avait sombré sous la surface de l’eau. Il ne restait qu’une petite poche d’air contre le pare-brise de l’hélicoptère. Knox tira Mikhaïl en arrière au moment où celui-ci s’apprêtait à ouvrir la porte. C’était un plongeur ; l’eau allait enfin lui donner l’avantage. Mikhaïl se retourna et posa les deux mains sur les épaules de son adversaire pour l’immerger. Knox passa les bras autour de lui et l’entraîna sous l’eau. Ils se battirent violemment. Mikhaïl referma les mains autour de la gorge de Knox pour l’étouffer. Celui-ci essaya de lui ouvrir les doigts, mais il était trop fort pour lui. Il releva les genoux sous son menton, posa les pieds sur le ventre de Mikhaïl et parvint à le pousser. Puis il émergea dans la poche d’air, toussa, cracha de l’eau et reprit sa respiration.
Il vit à travers le pare-brise qu’ils étaient déjà à quinze ou vingt mètres de la surface et aperçut la coque en forme de baleine du yacht. Mikhaïl se redressa à côté de lui, haletant, et s’efforça de garder la tête hors de l’eau, toujours entravé par le poids de la Toison d’or. Sans hésiter une seconde, Knox l’immergea au moment même où il inspirait pour que ses poumons s’emplissent d’eau, lui infligeant ainsi la torture qu’il lui avait fait subir la veille. Le souvenir de sa propre souffrance lors de la simulation de noyade décupla ses forces. Il laissa Mikhaïl remonter une dernière fois à la surface et le tira définitivement au fond de la cabine en se tenant à un des sièges par les jambes. Ses sinus étaient sur le point d’éclater, mais il ne céda pas, ignorant les coups et les griffures. Seule la vengeance comptait. Il devait venger Gaëlle. Enfin, Mikhaïl cessa de se débattre et demeura immobile.
Knox était à court d’air. Il remonta, mais il n’y avait plus la moindre bulle d’air contre le pare-brise. La porte de la cabine s’était refermée et la pression de l’eau l’empêchait de la rouvrir. Au bout de plusieurs tentatives, elle finit par céder et il s’élança vers la surface en résistant à l’envie d’ouvrir la bouche. Il mobilisa toute sa volonté pour lutter contre ce réflexe naturel, jusqu’à ce qu’il puisse enfin inonder ses poumons d’air frais.
Tout autour de lui, gisaient les vestiges de l’hélicoptère, des gilets de sauvetage, des morceaux de carcasse en feu. Il ne vit personne dans l’eau et, sur le pont, au-dessus de lui, il entendit avec soulagement des cris d’angoisse et d’agonie. Puis,
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