Le secret d'Eleusis

ralenti, se mit à accélérer de nouveau. L’hélicoptère allait décoller. Knox rampa jusqu’au bord du champ d’ajoncs pour voir ce qui se passait. À son grand soulagement, il aperçut Gaëlle, debout à côté de l’appareil. Le pilote, Mikhaïl et les deux autres Géorgiens se trouvaient dans la cabine. Finalement, ils allaient partir en abandonnant Gaëlle sur place.
    L’hélicoptère commença à s’élever dans les airs. Mais à peine avait-il parcouru quelques mètres que Gaëlle s’envola avec lui en se débattant tel un poisson pris à l’hameçon. Mikhaïl ne l’avait pas relâchée. Il l’avait pendue à une corde fixée à l’intérieur de la cabine. Elle avait déjà le visage rouge et semblait pousser des cris, étouffés par les trépidations de l’hélicoptère, qui rasait le sol. Mikhaïl se pencha par la vitre de la cabine. Encore vêtu de la Toison d’or, il montra son couteau de chasse à Knox et le jeta à terre pour lui lancer le plus horrible des défis : couper la corde ou regarder sa femme mourir pendue.
    La peur envahit Knox, mais l’amour aussi. Il se releva et jaillit hors des ajoncs. Il courut vers Gaëlle en zigzaguant, les yeux rivés sur le couteau. Malgré le bruit du rotor, il entendit les premiers coups de feu. Il roula à terre en essayant de saisir le couteau au passage mais le manqua. L’hélicoptère s’élevait déjà un peu plus en emportant Gaëlle avec lui. Knox n’avait plus le temps de couper la corde. Il sauta pour attraper un des patins d’atterrissage. Avec le souffle du rotor, il eut le plus grand mal à s’agripper, mais il parvint à passer une jambe par-dessus le patin, puis l’autre, et à se cramponner à une des barres verticales qui reliaient celui-ci au châssis. L’hélicoptère s’élevait de plus en plus vite. Gaëlle était pendue de l’autre côté. Elle avait le visage violet, les jambes secouées de convulsions et la langue protubérante. Les doigts serrés autour de la barre, Knox se pencha vers l’autre patin d’atterrissage. Il l’effleura seulement du bout des doigts. Les muscles bandés à l’extrême, à la deuxième tentative, il l’empoigna avec suffisamment de fermeté pour envisager de lâcher la barre. L’hélicoptère s’inclina lorsqu’il se balança d’un côté à l’autre, avant de se hisser sur le second patin.
    Dès qu’il le put, Knox passa un bras autour des hanches de Gaëlle et la souleva pour que la corde cesse de l’étrangler. Les jambes de la jeune femme cherchèrent un point d’appui. Son talon glissa sur le patin d’atterrissage, mais finit par le trouver. Knox s’efforça de la tenir contre lui tout en dénouant les liens de ses poignets. Elle se libéra une main, puis l’autre, et élargit aussitôt le nœud coulant qu’elle avait autour du cou. Mais à cet instant même, elle perdit l’équilibre et tomba en arrière. Knox comprit que Mikhaïl avait coupé la corde qui retenait Gaëlle contre la carlingue de l’hélicoptère. La jeune femme leva vers lui des yeux implorants en lui tendant les mains. Sans réfléchir, il enroula ses jambes autour de la barre du patin d’atterrissage, se laissa tomber et la rattrapa par un mollet, avant de glisser le long de son pantalon en toile et de se cramponner à sa cheville. L’hélicoptère était désormais à deux ou trois cents mètres d’altitude. Jamais elle ne survivrait à une telle chute.
    Knox essaya de la hisser, mais il n’était pas assez fort. Il ne pouvait que la tenir. Elle se plia en deux dans l’espoir d’attraper son avant-bras mais, poussée en arrière par le souffle du rotor, elle n’y parvint pas. L’hélicoptère arriva au sommet de l’escarpement et se dirigea vers le sud, du côté de la mer. Knox tenait bon, mais il commençait à avoir des crampes. Il regarda en direction de la cabine en priant pour que quelqu’un ait pitié d’eux, mais ne vit que Mikhaïl. Penché par la vitre, celui-ci attendait avec un air ravi qu’il lâche Gaëlle.

Chapitre 46
    I
    La terre s’affaissa sous l’hélicoptère dans une série de falaises et de promontoires, qui tombaient presque à pic dans la mer, six cents mètres plus bas. Les vagues se brisaient contre les rochers. Knox sentait Gaëlle lui échapper. Il cria de toutes ses forces dans un dernier effort pour la retenir. Comprenant que son temps était compté, elle se balança plusieurs fois et mit toute son énergie à essayer d’attraper son bras. Elle