Le secret d'Eleusis
la même façon que d’habitude : il revécut la terreur qu’il avait éprouvée lorsque Mikhaïl l’avait attaché sur le banc, avant de lui verser de l’eau dans la bouche. Il songea que ce souvenir le hanterait pendant des mois, voire des années. Et cette prise de conscience fit monter en lui une colère froide et intense, pas seulement à l’égard de Mikhaïl, mais aussi envers le père et, surtout, le grand-père de celui-ci. Ilya savait que Mikhaïl était un psychopathe. Et pourtant, il l’avait envoyé à Athènes, au risque de provoquer un carnage. Maintenant, au lieu d’être rongé par le remords, il se servait de sa mort pour poursuivre ses foutus jeux de pouvoir !
Curieusement, la colère fit du bien à Knox. Ou plutôt, elle lui fit moins de mal que le désespoir.
Il n’avait pas écouté l’homme de l’ambassade très attentivement, car il savait déjà qu’il allait accepter son offre, ne serait-ce que parce qu’il n’aurait pas la force de refuser. Mais une pensée lui traversa l’esprit. Il savait d’expérience qu’il était très difficile de s’attaquer de front aux hommes extrêmement riches. Tant qu’il serait vivant, les Nergadze n’auraient aucun mal à se protéger contre lui, ni même à se débarrasser de lui. Mais quand ils le croiraient mort...
Cette pensée prit forme peu à peu. Une nouvelle identité, une nouvelle apparence, un nouveau passeport. Il laisserait passer un an ou deux pour récupérer et faire croire aux Nergadze qu’ils n’avaient plus rien à craindre. Ensuite, il trouverait un moyen d’entrer incognito sur leur territoire. L’homme de l’ambassade lui avait déjà donné une idée. Knox s’imagina sur un chantier de fouilles sous-marines sur la côte de la mer Noire, où tous les oligarques avaient leur résidence secondaire. Puis il se vit seul dans une pièce avec Ilya Nergadze. Il ne savait pas encore comment il passerait du chantier à cette pièce, mais il aurait tout le temps de mettre les détails au point.
Il se détendit sur son matelas, s’enfonça dans son oreiller et regarda le carré de ciel bleu par la fenêtre. Emportée par un courant ascendant, une mouette aux reflets d’argent s’éleva comme l’Esprit-Saint, avant de disparaître lentement de sa vue. Pour la première fois depuis des jours, il commença à se sentir un peu mieux, un peu plus fort.
Comment Nico avait-il formulé cela, l’autre soir, au restaurant ? Avoir un but. Oui, c’était la clé.
Avoir un but.
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