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Le secret des enfants rouges

Le secret des enfants rouges

Titel: Le secret des enfants rouges Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Claude Izner
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vous, Charles ?
    — Non, dit le jeune homme.
    — Qu’avez-vous, Charles ? Vous faites une figure
    longue comme un jour sans pain.
    — Je suis en train de classer les notes de voyage de M. du Houssoye, je pense sans cesse à lui, je ne me résous pas à sa disparition. Madame Gabrielle, Lucie vous a-t-elle remis la traduction extraite de la revue All Round the World ?
    — Vous savez fort bien qu’elle a quitté la maison en coup de vent pour soigner une tante souffrante, mon petit Dorsel, puisque c’est moi qui vous l’ai annoncé.
    — Je pensais qu’elle avait peut-être rangé l’article dans votre bureau.
    — Voyons, Charles, l’instant est mal choisi ! Charles Dorsel soutint effrontément le regard sévère d’Alexis Wallers.
    Il y eut un silence que Victor rompit en désignant les
    photos sur le piano.
    — Est-ce vous qui les avez prises, madame ? Elles
    sont très belles.
    — C’est mon époux. Elles ont été faites à Java, quelques semaines avant la terrible éruption volcanique.
    — Celle du Krakatau ? demanda Kenji.
    — Vous y étiez, monsieur ?
    — Non, en 1883 j’étais en Europe depuis bon nombre d’années, mais la nouvelle m’a beaucoup affecté. Je connais bien les îles de la Sonde, j’y avais des amis.
    — Nous avons vécu cet événement, il est gravé dans nos mémoires, murmura Gabrielle du Houssoye.
    — Où vous trouviez-vous ? questionna Victor.
    — Nous séjournions non loin de la résidence du gouverneur général des Indes néerlandaises, à Buitenzorg, une ville au sud de Batavia. Antoine avait entrepris une étude sur les orangs-outans et nous préparions notre départ pour Bornéo. C’était un dimanche d’août. En début d’après-midi nous entendîmes des roulements sourds, pareils à des coups de tonnerre, nous pensions qu’un orage allait éclater, il faisait chaud et humide. Peu de temps après, de fortes déflagrations ont retenti. Vers cinq heures du soir, elles devinrent très violentes. Cela dura toute la nuit. Ceux qui n’ont pas traversé cette épreuve peuvent difficilement se figurer qu’une montagne éloignée de cent kilomètres puisse ébranler le sol de ses grondements. À sept heures du matin il se produisit une explosion si puissante que les maisons en furent secouées. Les lampes se brisèrent, les cadres se décrochèrent, portes et fenêtres sautèrent, provoquant une panique indescriptible. Ensuite ce fut le silence et le ciel commença à s’assombrir. Les masses de vapeur et de cendres expulsées du Krakatau en quantité inimaginable s’avançaient sur nous. À neuf heures, le ciel s’enténébra, comme un carreau qu’on occulte. Une nuit de fin du monde qui fit trente mille victimes.
    Suspendu à ses lèvres, Victor se souvint des histoires fantastiques que Kenji lui contait autrefois, quand il était enfant :
    À Java, les montagnes bleues sont le pays des dragons volants. Quand le soleil brûle, ils voltigent telles des chauves-souris autour des forteresses dressées sur les pentes des volcans… Il arrive que l’un des monstres saisisse un humain entre ses griffes. C’est ainsi que fut enlevée la princesse Surabaja…
    — Gabrielle, puis-je me retirer ? Je me sens patraque, dit Charles Dorsel.
    Mme du Houssoye acquiesça.
    — Excusez-le, messieurs, il était très dévoué à mon époux, il n’a de cesse de terminer la mise en ordre de ses notes.
    — Et moi, Gabrielle, comptez-vous mon travail pour du beurre ?
    Alexis Wallers, debout devant la fenêtre, contemplait la cour. La fumée de son cigare formait une auréole autour de son crâne. Kenji toussa discrètement et changea de siège.
    — Et ensuite ? demanda Victor.
    — Une partie de l’île de Krakatau disparut au fond de l’océan. La vague gigantesque qui se forma à la suite de cet effondrement avait presque trente-six mètres de hauteur. Lorsqu’elle se précipita sur la côte orientale de Java, elle balaya des douzaines de villages. L’impact de ce déferlement se répercuta non seulement dans l’océan Indien, mais aussi dans l’Atlantique et le Pacifique. Les photos que vous voyez là, c’était avant.
    — Je sais, dit Kenji, j’y suis allé, en compagnie du frère de Lady Pebble, en 1860. L’île était alors couverte d’épaisses forêts, la végétation était luxuriante. c’était un petit paradis. Après le cataclysme, d’étranges phénomènes lumineux furent observés durant des mois dans tous les

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