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Le secret des enfants rouges

Le secret des enfants rouges

Titel: Le secret des enfants rouges Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Claude Izner
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nuit 42 , dirigée par le baron de Livois, cette institution proposait un abri temporaire à ceux qui ne savaient où dormir, quels que fussent leur âge, leur nationalité et leur religion. Au dire des indigents, on pouvait s’y présenter entre dix-neuf et vingt et une heures et on était assuré de s’y voir offrir le gîte et le couvert. Bien que son orgueil répugnât à cette extrémité, Anna avait si froid et si faim qu’elle prit sans barguigner le chemin du boulevard de Charonne.
    De part et d’autre de la chaussée se côtoyaient des constructions peu élevées à l’aspect monotone où s’inséraient les cheminées en brique des ateliers. L’immeuble sis au 122 dépendait du XX° arrondissement. Il était composé de deux corps de bâtiments à un étage au milieu desquels le portail, largement ouvert, aspirait un flot d’individus, en majorité des hommes que leur tenue vestimentaire apparentait à la classe ouvrière. Privés de travail, puis de domicile à cause d’un terme impayé, ils en étaient réduits au vagabondage et se déplaçaient munis d’un maigre balluchon. Parfois des femmes rejoignaient leurs rangs, des jeunes serrant contre elles un nouveau-né, des vieilles sans la moindre ressource, réduites à la mendicité.
    Anna fit la queue, derrière un bonhomme voûté, dont le tube et l’habit noir avaient dû connaître des temps meilleurs. La tête basse, il se rendit au bureau des entrées, où un quadragénaire jovial lui lança :
    — Bonsoir, monsieur le professeur !
    Le professeur remplit une fiche et gagna le bout du couloir où se trouvait une salle à cinq lits réservée aux « chapeaux de soie ».
    — Ils ne mélangent pas les torchons et les serviettes, marmotta un maçon à qui on venait d’assigner une place en dortoir.
    — De quoi vous plaignez-vous ? N’allez-vous pas obtenir un travail par nos soins ? Allons, avancez, vous n’êtes pas seul, dit l’employé qui n’était autre que le gérant.
    Pendant que le maçon s’éloignait en mâchonnant une diatribe contre les budgétivores rongeant la France, le gérant s’adressa aimablement à Anna.
    — Vous êtes nouvelle ? Inscrivez vos noms, âge, profession. Comme nous sommes la veille d’un samedi, vous êtes autorisée à bénéficier de notre hospitalité quatre nuits au lieu de trois. La section des femmes est au premier à gauche. Allez faire un brin de toilette, ensuite vous descendrez au réfectoire.
    Elle gravit l’escalier qui aboutissait à une salle pourvue de cuvettes, de savons et de serviettes. Lorsque, après s’être isolée, elle se fut lavée, une surveillante lui donna une demi-livre de pain. En dépit de la prévenance du personnel, elle avait l’impression d’être en prison.
    Au rez-de-chaussée, elle s’échoua sur un banc, à
    l’écart, et se mit à manger, observant les autres avec méfiance.
    Des livres, ainsi que du papier, de l’encre et des porte-plumes, étaient à la disposition des pensionnaires, mais elles préféraient se conter leurs tribulations. Avec amertume, Anna prit conscience de sa solitude. Personne à qui écrire, nul parent ou ami susceptible de la réconforter. Et là-bas, rue de Nice, une ombre la guettait. Pourrait-elle récupérer son orgue ?
    Le gérant et la surveillante s’installèrent sur une estrade afin d’informer les femmes que l’œuvre leur fournirait le lendemain une soupe, un repas chaud, du cirage et des vêtements neufs, et, en cas de besoin, un livret pour se faire embaucher. On leur lut le règlement intérieur, on les invita à participer à une courte prière. À chaque femme fut attribué un numéro de lit.
    Quand Anna découvrit la chambrée avec ses trente couchettes garnies de draps et de couvertures, son premier réflexe fut de fuir. Mais où aller ? La vue d’une jeune femme berçant son bébé, d’une autre en train de repriser, apaisa son angoisse. La vieille à sa droite était secouée d’une toux rauque. Certaine de ne pas fermer l’œil, Anna se blottit contre l’oreiller qui sentait la lessive et s’endormit aussitôt.
     
    Assis sur le voltaire, les poings serrés, Victor fixait le lit. Il regrettait ne n’avoir pas trouvé le temps d’aller interroger Maurice Laumier. Régulièrement il jetait un œil à la pendule, il n’avait jamais remarqué ce tic-tac lancinant qui lui semblait devenir de plus en plus fort. Il se détourna, espérant que la lettre ne serait pas dans la taie.
    Elle y

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