Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le secret des enfants rouges

Le secret des enfants rouges

Titel: Le secret des enfants rouges Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Claude Izner
Vom Netzwerk:
Lutèce, la panique est à son comble, on veut fuir, c’est là que Geneviève intervient :
    Amis, priez !
    Vous êtes plus en sûreté que partout ailleurs N’ayez crainte, Paris sera sauvé grâce à votre Ardeur !
    « Et grâce à Anna, la muse que voici, déclama Mathurin avec des trémolos dans la voix.
    Trimouillat examina l’Italienne en malaxant sa tignasse.
    — Mademoiselle, vous êtes le portrait vivant de la Victoire de Samothrace avant qu’on ne la décapite.
    — Et toi, tu écris ? demanda Mathurin.
    — J’ai commencé une œuvre politique, ça s’intitule : Une crise à l’Élysée.
    Lorsqu’un ministère se détraque
    Victime d’un parlement rétif
    Ça donn’ du tintouin à l’rend’ braque
    Au pauv’chef de l’exécutif
    Il fait…
    Interrompu par le garçon qui déposait deux petits noirs à quatre sous, Trimouillat se troubla et reprit l’exploration minutieuse de son système pileux. Le garçon patientait.
    — Qu’est-ce que tu bois ? jeta Mathurin.
    — Un guignolet serait-il au-dessus de tes moyens ?
    — Nullement. Oscar, un guignolet ! C’est l’abondance. Non contente d’être mon inspiratrice, Anna m’a fait profiter de ses largesses, résultat d’un indéniable talent de musicienne. Figure-toi qu’elle chante divinement. En outre, par ses soins nous est advenue une aubaine imprévue, un truc genre antiquaille qui va nous aider à finir le mois.
    Victor tiqua. Cette antiquaille, était-ce la coupe ? Il se tortilla sur sa chaise, prêt à interroger l’Italienne. Le retour du garçon brisa son élan.
    — Et un guignolet, un ! gueula Oscar. Vous avez sacrément raison de vous en payer une tranche, ajouta-t-il, le ler Mai approche.
    — Et alors ?
    — Alors ? Les anarchistes vont nous régaler d’un feu d’artifice général, m’sieu Mathurin, gare aux pétards !
    Victor siffla son vermouth-cassis d’un trait. Cette fois, c’était la bonne. Mathurin choisit cet instant pour déballer un paquet issu de sa poche et en partager le contenu avec Anna et Trimouillat.
    — Boire l’estomac vide, c’est mauvais.
    — Du cervelas ! Tu as touché le pactole !
    Tout en mâchant, Trimouillat rectifia l’assertion de Mathurin.
    — C’est boire qui est nuisible. Prends Verlaine, il se détruit à petit feu. Cette nuit encore, il était soûl comme la Pologne. Il a fait du chambard à l’église Saint-Séverin, il hurlait qu’il lui fallait la confession, il a cuvé sa cuite au poste.
    Admirateur de Jadis et Naguère , Victor voulut sauter sur l’occasion pour se mêler à la conversation. Des vivats retentirent, un personnage imposant, l’œil cerclé d’un monocle, en macfarlane et haut-de-forme, fit son entrée en compagnie d’une bande de braillards et réclama d’un ton impérieux des dominos et une côtelette.
    — Qui est-ce ? souffla Anna.
    — Jean Moréas, de son vrai nom Papadiamantopoulos, un versificateur grec de génie. Sous son apparence de dandy, c’est un gentleman, répondit Mathurin.
    — Il a eu hier, à l’intention d’un flatteur, un mot qui m’a réjoui : « Appuyez-vous fermement sur les principes, ils finiront bien par fléchir ! » Excusez-moi, je veux lui rendre hommage, à la revoyure, dit Trimouillat.
    — Vas-y aussi, Mathurin, l’encouragea Anna.
    — Non, Moréas m’intimide. Et puis j’ai cru reconnaître Huysmans et Barrès auprès de lui. Et Barrès…
    Anna ne comprenait pas. Jamais elle n’avait contemplé un tel dîner de têtes : professeurs dépourvus d’élèves, avocats privés de plaidoiries, médecins sans malades, attablés au milieu d’une tabagie pour discuter de littérature ou de revues à paraître. Dégoûtée par l’odeur des pipes et des crapulos 47 , elle se détourna. Un regard brun non dénué de charme capta le sien. Qu’avait donc cet homme à la détailler ? Pourquoi se levait-il et s’approchait-il d’eux ?
    Victor occupa la place de Trimouillat et, sans préambule, attaqua :
    — Je me présente, inspecteur Victor Pérot. Mademoiselle, mon petit doigt m’assure que vous avez un secret à me révéler.
    Anna pâlit. Sa main chercha la grosse patte de Mathurin et l’étreignit.
    — Je vous somme de ficher la paix à cette demoiselle, gronda celui-ci.
    — Je ne l’importunerai pas longtemps. Je sais qu’elle est innocente, aucun crime ne lui sera imputé, à condition qu’elle coopère.
    — Qu’est-ce qui nous prouve que vous êtes de la

Weitere Kostenlose Bücher