Le seigneur des Steppes
frères cracha par terre et
Khasar serrait les poings quand une voix fendit l’air :
— Qu’y a-t-il ?
L’effet fut immédiat sur les frères, qui se figèrent. Du
coin de l’œil, Khasar vit approcher un homme mûr qui leur ressemblait. C’était
sans aucun doute possible le khan des Woyelas et Khasar ne put qu’incliner la
tête. On n’avait pas encore sorti les lames des fourreaux et il valait mieux ne
pas insulter le seul homme capable de calmer ses fils.
— Tu es le frère de celui qui se fait appeler Gengis, dit
le khan. Sache cependant qu’ici, c’est le camp des Woyelas. Pourquoi viens-tu
déranger mes fils dans leur travail et provoquer leur colère ?
Irrité, Khasar s’empourpra. Kachium avait sans doute été
prévenu de l’algarade et des hommes allaient arriver sous peu, mais Khasar s’efforça
de recouvrer son sang-froid avant de répondre. Le khan des Woyelas prenait
manifestement plaisir à la situation et Khasar présuma qu’il avait assisté à la
scène depuis le début.
— J’ai frappé celui qui m’avait frappé, dit enfin le
frère de Gengis. Il n’y a pas là cause à voir le sang couler aujourd’hui.
Le khan répondit par une moue de dédain. Il disposait de
guerriers qu’il pouvait facilement appeler à la rescousse et ses fils étaient
prêts à inculquer à coups de poing un peu d’humilité à l’homme qui se tenait
orgueilleusement devant lui.
— J’aurais dû m’attendre à cette réponse. On ne peut
pas mettre l’honneur de côté. Cette partie du camp est terre woyela, tu y as
pénétré sans y être invité.
Khasar dissimula son agacement sous le masque froid du
guerrier.
— Les ordres de mon frère sont clairs. Toutes les
tribus peuvent faire usage du lieu où nous nous rassemblons. Il n’y a pas ici
de terre woyela.
Les fils du khan marmonnèrent et le khan lui-même se raidit.
— Je maintiens qu’il y en a une et je ne vois ici
personne d’assez élevé pour le contester. Ne cherche pas à te cacher dans l’ombre
de ton frère.
Khasar prit une longue inspiration. S’il invoquait l’autorité
de Gengis, l’incident serait clos. Le khan des Woyelas n’était pas stupide au
point de défier le frère d’un homme qui avait une armée sous ses ordres. Pourtant,
il avait l’air d’un serpent prêt à mordre et Khasar se demanda si c’était le
hasard qui avait mis l’étalon sauvage et les frères sur son chemin. Certains
avaient sans doute envie de tester ceux qui avaient la prétention de les mener
au combat. Kachium affectionnait les négociations et les manœuvres alors que
lui n’avait aucun goût pour ça, ni pour les fanfaronnades du khan et de ses
fils.
— Je ne verserai pas le sang… commença-t-il, tandis qu’une
lueur de triomphe s’allumait dans le regard du khan. Mais je me passerai de l’ombre
de mon frère.
Il abattit son poing sur le menton du fils le plus proche, qu’il
estourbit. Avec un rugissement, les autres se jetèrent sur lui. Khasar recula
sous une pluie de coups puis se campa solidement sur ses jambes et cogna
violemment sur un visage. Il sentit le nez craquer. Comme tout homme qui a
grandi parmi une large fratrie, il aimait se battre, mais la partie était par
trop inégale et il faillit s’effondrer lorsque des coups puissants martelèrent
son armure. Au moins sa poitrine était-elle protégée et tant qu’il resterait
debout, il pourrait esquiver et riposter.
Au moment même où il se faisait cette réflexion, l’un des
Woyelas le saisit par la taille et le projeta à terre. Khasar rua, entendit un
cri, se couvrit la tête de ses bras. Par les esprits, que faisait Kachium ?
Khasar sentit que son nez saignait et que ses lèvres commençaient à enfler. Un
coup de pied à l’oreille droite fit résonner son crâne. Si le traitement se
prolongeait, il serait infirme à vie.
Un des frères le chevauchait et tentait de lui écarter les
bras. Il guetta l’homme entre ses doigts et quand une brèche s’ouvrit il lui
enfonça un pouce dans l’œil. Le Woyela roula sur le côté en hurlant et les
coups de pied redoublèrent.
Soudain un cri de souffrance s’éleva à proximité et, pendant
un moment, Khasar se retrouva seul. Il en profita pour tenter de se relever, découvrit
qu’un inconnu s’était précipité sur les frères, expédiant l’un d’eux au sol d’un
coup de poing, frappant de sa botte le genou d’un autre. Le nouveau venu n’était
guère plus qu’un gamin mais
Weitere Kostenlose Bücher