Le seigneur des Steppes
étaient bien armés et semblaient
vaillants, mais les apparences pouvaient être trompeuses, il le savait. Ils
apprendraient la tactique qui avait apporté la victoire à Gengis ou seraient
cantonnés au rôle de porteurs de messages.
Les Ouïgours étaient des marchands de chevaux et Khasar fut
satisfait de voir le vaste troupeau qui les accompagnait. Il fallait trois
bêtes pour chaque guerrier et le camp connaîtrait une grande animation pendant
la prochaine lune, lorsque les autres tribus viendraient se procurer du sang
neuf pour leur cheptel.
Les guerriers entourant le chariot de tête se déployèrent en
position défensive, la main sur la poignée de leur sabre. Les Ouïgours doivent
avoir accès à une grande réserve de minerai pour posséder autant de lames, pensa
Khasar. Trop d’hommes du camp n’avaient encore qu’un simple couteau en plus de
leur arc. Khasar dirigea son regard vers un petit homme aux cheveux gris assis
à l’avant du chariot. C’était lui qui avait levé la main pour arrêter la
colonne en marche et, manifestement, les guerriers attendaient ses ordres. Bien
que son deel fût de coupe simple, ce devait être Barchuk, le khan des
Ouïgours. Khasar décida de lui faire honneur en parlant le premier.
— Sois le bienvenu au camp, seigneur, dit-il d’un ton
cérémonieux. Vous êtes la dernière grande tribu à arriver, mais Gengis a reçu
votre message de bonne volonté et a réservé des pâturages pour vos familles.
Le petit homme hocha la tête pensivement en inspectant les
rangs des cavaliers qui se tenaient derrière Khasar.
— Je vois bien que nous devons être les derniers. J’imagine
mal qu’il puisse y avoir encore des guerriers ailleurs dans le monde, vu la
taille de cette armée. Vous êtes les premiers que nous rencontrons depuis le
commencement de notre long voyage. Les Ouïgours prêteront allégeance à Gengis, comme
je l’ai promis. Montre-nous où installer nos yourtes et nous ferons le reste.
Khasar apprécia la franchise et la simplicité de Barchuk, qui
contrastaient avec la susceptibilité d’autres khans.
— Je suis son frère Khasar, dit-il en souriant. Je te
conduirai moi-même.
— Alors, viens t’asseoir près de moi, Khasar. J’ai faim
de nouvelles.
Le khan tapota le banc de bois du chariot ; Khasar
sauta de sa selle et, d’une claque sur la croupe, envoya sa monture vers le
premier rang des guerriers woyelas.
— Si nous sommes les derniers, avant longtemps Gengis
pointera sa flèche immense vers ses ennemis, dit le khan tandis que Khasar
grimpait sur le chariot.
Il émit un claquement de langue et les bœufs de l’attelage
repartirent. Khasar remarqua que les guerriers Ouïgours demeuraient facilement
en formation autour d’eux et en fut satisfait. Ils savaient au moins monter à
cheval.
— Lui seul peut le dire, seigneur, répondit-il.
Les hématomes causés par les Woyelas avaient presque disparu
et cependant il sentit les yeux de Barchuk parcourir sa peau sans que le khan
fasse de commentaire. Le camp avait été tranquille après la leçon infligée aux
Woyelas mais, avec la fin de l’été, les hommes montraient de nouveau de l’impatience
et maintenant que les Ouïgours étaient arrivés, Khasar pensait que son frère
passerait à l’action d’ici quelques jours. Cette perspective faisait croître sa
propre excitation. Les tribus étaient là, elles prêteraient serment de loyauté.
Ensuite ce serait la guerre et Gengis et ses frères obligeraient l’empire Jin à
lever sa botte du cou de leur peuple.
— Tu sembles d’humeur joyeuse, Khasar, remarqua Barchuk
en contournant un mamelon de la prairie.
Le regard du vieil homme sec mais vigoureux paraissait
constamment amusé.
— Je songeais que jamais jusqu’ici nous n’avons été
unis, seigneur. Il y a toujours eu de vieilles querelles, ou l’or des Jin, pour
nous dresser l’un contre l’autre. Cela…
Il eut un geste circulaire du bras pour désigner le camp.
— … c’est nouveau.
— Cela pourrait aussi finir par l’anéantissement de nos
peuples, dit Barchuk à voix basse en l’observant attentivement.
Khasar sourit en se rappelant que Kachium et Gengis avaient
eu la même discussion, et il se fit l’écho de leurs paroles :
— Oui mais aucun de nous, ni homme, ni femme, ni enfant,
ne sera encore en vie dans cent ans. Tous ceux que tu vois ici ne seront plus
que des os.
Perplexe, Barchuk plissa le front et Khasar regretta de ne
pas
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