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Le seigneur des Steppes

Le seigneur des Steppes

Titel: Le seigneur des Steppes Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Conn Iggulden
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cette lumière emplir toute la yourte et la
baigner d’or.
    — Prends ma main et marche avec moi, murmura Kökötchu.
    Sous le regard soupçonneux de Temüge, Gengis roula des yeux
et s’affala. Kökötchu fit de même et Temüge se sentit curieusement seul. La
bouche du khan s’ouvrit, noircie par la pâte. Le silence se prolongea et Temüge
perdit un peu de sa nervosité en se rappelant les visions qu’il avait eues dans
cette petite tente. Son regard se porta sur le pot de pâte noire et, profitant
de la transe profonde des deux autres, il le referma et le glissa sous son deel. Son serviteur Ma Tsin lui en avait fourni régulièrement pendant
quelque temps avant de disparaître. Temüge avait cessé de se demander ce qu’il
était devenu mais il soupçonnait Kökötchu d’être pour quelque chose dans sa
disparition.
    Temüge n’avait aucun moyen d’estimer le passage du temps. Il
demeura très longtemps immobile puis fut tiré de sa rêverie par la voix rauque
et lointaine du chamane. La suite incohérente de syllabes qu’il prononça fit
instinctivement reculer le frère du khan. Gengis remua, ouvrit des yeux vitreux
tandis que le débit de Kökötchu s’accélérait.
    Tout à coup, le chamane lâcha la main de Gengis et bascula
sur le côté. Le khan sentit les doigts de Kökötchu glisser des siens et battit
lentement des paupières, encore sous l’emprise de l’opium.
    Le chamane gisait sur le flanc, un filet de salive coulant
de sa bouche. Le flot de sons étranges cessa et, sans ouvrir les yeux, Kökötchu
dit, d’une voix basse :
    — Je vois une tente blanche dressée devant les murs. Je
vois l’empereur parler à ses soldats. Des hommes tendent les bras et l’implorent.
C’est un jeune garçon, des larmes coulent sur son visage.
    Le chamane se tut, demeura immobile. Craignant que son cœur
n’ait lâché, Temüge se pencha vers lui, lui toucha légèrement l’épaule. Kökötchu
sursauta, se tordit en émettant de nouveau des sons dépourvus de sens. Puis il
se calma et la voix basse reprit :
    — Je vois des trésors, un tribut. Des milliers de
chariots et d’esclaves. De la soie, des armes. Des montagnes de jade, assez
hautes pour masquer le ciel. Pour bâtir un empire. Elles brillent !
    Temüge attendit la suite mais rien ne vint. Son frère, appuyé
contre le treillis d’osier de la yourte, ronflait doucement. La respiration de Kökötchu
devint régulière, ses poings s’ouvrirent et lui aussi s’endormit. Temüge se
retrouva de nouveau seul, impressionné par les mots qu’il venait d’entendre. L’un
des deux hommes s’en souviendrait-il ? Lui-même gardait de ses visions un
souvenir au mieux imprécis mais il se rappela que Kökötchu n’avait pas pris de
pâte noire. Il raconterait sans nul doute à Gengis ce qu’il avait vu.
    Temüge savait qu’il ne parviendrait pas à réveiller son
frère, qui dormirait de longues heures. Gengis était las d’un siège qui durait
depuis presque deux ans et saisirait probablement la première occasion d’y
mettre fin. Temüge fit la grimace : si la vision de Kökötchu se révélait
vraie, le khan s’en remettrait à lui en toutes choses à l’avenir.
    Temüge songea à égorger le chamane dans son sommeil. La mort
d’un homme ayant recours à la magie s’expliquerait aisément. Temüge dirait à
son frère que, sous ses yeux horrifiés, une ligne rouge était apparue sur la
gorge du chamane. Et c’est lui qui raconterait au khan ce que Kökötchu avait vu.
    Il dégaina son couteau d’une main qui tremblait légèrement, se
pencha vers le chamane. À cet instant, les yeux de Kökötchu s’ouvrirent.
    — Tu vis donc ? Un moment, j’ai cru que tu étais
possédé. J’étais prêt à tuer l’esprit qui s’était emparé de ton corps.
    Le chamane se redressa, le regard alerte, l’expression
méprisante.
    — Tu t’effraies trop vite, Temüge. Aucun esprit ne peut
me faire de mal.
    Pour des raisons qui étaient propres à chacun d’eux, ni Temüge
ni Kökötchu ne firent allusion à ce qui avait failli se passer. Ils échangèrent
un moment des regards haineux puis Temüge rompit le silence :
    — Je vais demander au garde de porter mon frère dans sa
yourte. Crois-tu que sa toux sera guérie ?
    Kökötchu secoua la tête.
    — Je n’ai trouvé aucun sort. Emmène-le si tu le
souhaites. Je dois réfléchir à ce que les esprits m’ont révélé.
    Temüge chercha un commentaire acerbe pour piquer la

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