Le seigneur des Steppes
et les guerriers firent halte près d’une rivière pour s’approvisionner
en eau. Ce fut à cet endroit que les derniers éclaireurs que Gengis avait
laissés derrière lui pénétrèrent dans le camp au galop. Deux d’entre eux ne
rejoignirent pas leurs camarades autour des feux et allèrent droit à la yourte
du khan.
Kachium et Arslan s’y trouvaient avec Gengis et les trois
hommes sortirent pour entendre le rapport des éclaireurs couverts de poussière.
— Seigneur… commença l’un d’eux.
Il vacilla et Gengis se demanda pour quelle raison ces
hommes avaient chevauché jusqu’à l’épuisement.
— Seigneur, l’empereur a quitté Yenking et se dirige
vers le sud. Plus d’un millier de Jin l’accompagnent.
— Il s’est enfui ? s’exclama le khan, incrédule.
— Oui, seigneur. Il a abandonné la ville. Je n’y suis
pas entré pour voir combien de survivants elle abritait. L’empereur est parti
avec des chariots plus nombreux encore, des esclaves et tous ses ministres.
— Je lui ai donné la paix et il crie au monde que ma
parole ne signifie rien pour lui ! s’exclama le khan.
— Peu importe, frère, intervint Kachium. Khasar est
dans le Sud, aucune ville n’osera offrir asile à…
Gengis le réduisit au silence d’un geste furieux.
— Je ne retournerai pas là-bas mais toute chose a un
prix. Xuan a brisé la paix que je lui avais offerte pour rejoindre ses armées
dans le Sud. Tu lui montreras les conséquences de son acte.
— Frère…
— Non, Kachium ! Assez joué. Reconduis tes guerriers
là-bas et réduis Yenking en cendres. C’est le prix que je lui ferai payer.
Devant la fureur du khan, Kachium ne put qu’incliner la tête.
— À tes ordres, seigneur.
FIN
NOTE HISTORIQUE
La Nature nous a
laissé cette teinture dans le sang qui fait
que tous les hommes
deviennent des tyrans s’ils le peuvent.
Daniel DEFOE
On ne peut qu’estimer la date de naissance de Gengis Khan. Nomades,
les Mongols ne consignèrent ni le lieu ni la date de sa venue au monde. En
outre, les petites tribus donnaient aux années le nom d’événements locaux, ce
qui rend difficile la comparaison avec les calendriers actuels. C’est seulement
lorsque Gengis entre en contact avec le reste du monde que les dates sont
connues avec certitude. Il envahit la région du Xixia, située au sud du désert
de Gobi, en 1206 et fut proclamé khan de toutes les tribus la même année. Sur
le calendrier chinois, c’était l’année du Feu et du Tigre, à la fin de l’ère
Tahie. Il avait peut-être alors seulement vingt-cinq ans… ou trente-huit. Je ne
me suis pas attardé sur les années de guerres et d’alliances au cours
desquelles il réunit les grandes tribus sous son commandement. Si intéressant
que soit le processus, l’histoire de Gengis a toujours eu plus d’ampleur. Je
recommande L’Histoire secrète des Mongols à ceux qui veulent en savoir
plus sur cette période.
L’alliance naïman fut la dernière grande coalition qui
résista au mouvement. Le khan des Naïmans escalada effectivement le mont Nakhu,
montant de plus en plus haut sur ses pentes à mesure que l’armée de Gengis
avançait. Celui-ci offrit la vie sauve aux féaux du khan, mais ils la
refusèrent et furent massacrés jusqu’au dernier. Le reste des guerriers et des
familles fut intégré.
Kökötchu fut un chamane puissant, connu aussi sous le nom de
Teb-Tengerri. On sait peu comment il devint influent. Hoelun et Börte se
plaignirent toutes deux de lui à Gengis à plusieurs reprises. L’influence qu’il
exerçait sur le khan devint une source de vive inquiétude pour l’entourage de
Gengis. Celui-ci croyait en un père ciel unique, déisme s’appuyant sur le monde
des esprits du chamanisme. Kökötchu demeure une énigme et je n’ai pas fini de
raconter son histoire. Chez les Mongols, une loi interdisait de verser le sang
des rois et des saints hommes.
Lorsque les tribus se rassemblèrent à l’appel de Gengis, le
khan des Ouïgours rédigea une déclaration d’allégeance presque identique à
celle que j’évoque. Toutefois, ce sont des hommes du clan khongkhotan et non
woyela qui frappèrent Khasar et obligèrent Temüge à s’agenouiller.
Gengis inonda bien la plaine du Xixia et fut contraint de
battre en retraite devant la montée des eaux. Si l’épisode dut être
embarrassant, la destruction des récoltes amena le roi à la table de
négociation
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