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Le Serpent de feu

Le Serpent de feu

Titel: Le Serpent de feu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Fabrice Bourland
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d’articuler la bouche pleine. Roger Sparrow traînait ses guêtres du côté du pavillon. C’est là qu’il a entendu parler de cet artiste dans le coma, qui avait détruit avant son accident la totalité de ses œuvres. Là aussi qu’il a croisé, sans se faire remarquer de lui, Reginald Forbes, collectionneur fortuné, soucieux de l’état de santé du peintre. Comme il n’y avait aucune chance, même s’il revenait un jour à lui, que Merithorpe puisse barbouiller de nouveau une toile, Sparrow aurait poussé son cadet à utiliser ses facultés de médium à incarnation, inexploitées depuis plusieurs années.
    — Sans doute a-t-il convaincu Lester en arguant du fait qu’invoquer l’esprit d’un vivant dans le coma ne comportait aucun danger. Mieux : que s’ils réussissaient, ils feraient là œuvre d’humanité à l’endroit d’un virtuose du pinceau à la main définitivement abîmée.
    — Cela expliquerait en tout cas pourquoi les Sparrow avaient aménagé leur salon en atelier d’artiste.
    — Lester se servait du fauteuil pour s’y plonger en état de transe, présumai-je en allumant une cigarette. Lorsqu’il s’extériorisait de sa propre enveloppe, Merithorpe prenait sa place et se livrait à son art sur la toile placée à cet effet sur le chevalet. En l’espace de quelques séances, deux premiers tableaux furent exécutés.
    — Que Roger s’est empressé d’aller vendre à Reginald Forbes, lui faisant croire qu’il s’agissait d’œuvres produites par le peintre avant l’accident. Jusque-là je te suis, Andy. Mais après ? Qu’a-t-il pu se passer ? Pourquoi le drame d’Old Nichol Street ?
    — Pense à ce corps que nous avons observé ce matin dans la chambre numéro 6 ! Pour Merithorpe, il était inconcevable de retourner en lui-même, de réintégrer cette écœurante prison de chair. Roger Sparrow a joué avec le feu en multipliant les séances. À chacune d’elles, l’esprit de l’artiste se fortifiait, s’accoutumant toujours un peu plus à prendre possession des organes de son hôte. Le jour où il s’est senti de taille à résister au retour de Lester, celui-ci n’a pas eu la même fortune que lors de la séance à Kenilworth. Durant la lutte psychique qui s’est ensuivie, le fil d’argent du médium a été accidentellement rompu, entraînant son trépas sur-le-champ. Roger a sans doute réalisé trop tard ce qui se passait, et, quand il a tenté d’intervenir, Merithorpe lui a brisé le cou avant de décamper dans son « véhicule » d’emprunt.
    — Hé ! Lester n’a pas succombé aussi vite que ça ! objecta mon compagnon. Je te rappelle que son corps n’a été retrouvé que bien plus tard, du côté de Farrington Road. Ça fait une jolie petite trotte depuis Bethnal Green.
    — Il y a de fortes probabilités pour qu’il fût déjà mort quand le peintre a quitté l’appartement et que ta grand-tante a cru entrevoir son voisin sur le palier.
    — Merithorpe se serait servi de la dépouille du médium ?
    — Si l’on y pense, un cadavre est une « machinerie » tout ce qu’il y a de plus docile pour un esprit en mal d’incarnation. Toutefois, les premiers signes de rigidité musculaire post mortem commençant à se manifester, il a été contraint d’abandonner le corps quelques heures après. À la fin, il n’était plus capable de bouger ne serait-ce que le petit orteil. C’est probablement pour cette raison qu’il a eu l’idée de voler la momie de Flaxman. Merithorpe avait entendu parler, d’une manière ou d’une autre, du procédé révolutionnaire de Patterson & Patterson. Il s’est dit que s’il ne lui était pas possible de résister au retour de l’esprit d’un médium sans occasionner sa mort, et si une simple dépouille n’était pas suffisamment gouvernable à cause de la rigidité cadavérique et du processus de putréfaction, une momie traitée selon la technique mise au point par les maîtres embaumeurs de Swindon possédait, elle, les qualités idoines. On peut la manœuvrer aisément, les tissus sont d’une remarquable élasticité et ne souffrent d’aucun délai de péremption. Le « prête-corps » idéal. Ou presque.
    — Presque ?
    — Il n’offre pas l’illusion parfaite de la vie. David Bishop s’en est rendu compte. Il a relevé que l’homme croisé en bas du domicile d’Auber-Jones avait la démarche embarrassée, le regard vide et un visage inexpressif.
    — Justement,

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