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Le Signe rouge des braves (Un épisode durant la guerre de Sécession)

Le Signe rouge des braves (Un épisode durant la guerre de Sécession)

Titel: Le Signe rouge des braves (Un épisode durant la guerre de Sécession) Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Stephen Crane
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comme un ballon.
    Durant cette halte de nombreux soldats du régiment se mirent à ériger devant eux de petits monticules. Ils utilisaient des pierres, des branches, de la terre, et tout ce qu’ils croyaient pouvoir détourner une balle. Quelques un en bâtissaient de relativement grands, alors que d’autres paraissaient se contenter d’abris plus modestes.
    Cette activité provoqua un débat parmi les hommes. Quelques-uns voulaient se battre en duellistes, pensant qu’il était plus correct de se mettre debout et de se donner ainsi pour cible des pieds à la tête. Ils affirmaient mépriser l’appareillage des prudents. Mais les autres s’en moquaient en montrant du doigt les anciens sur les ailes, qui creusaient le sol comme des Terriers. En un moment une véritable barricade s’érigea sur tout le front du régiment. Pourtant l’instant d’après on donna l’ordre de se retirer de l’endroit.
    Ce qui étonna fort l’adolescent. Il oubliait ses bouillonnements de colère sur l’avancée des troupes :
    – « Hé bien, alors pourquoi nous ont-ils fait marcher jusqu’ici ? » demanda-t-il à l’échalas. Ce dernier commença une longue explication avec une calme confiance, malgré qu’il fût contraint d’abandonner la petite protection de débris et de pierres, pour laquelle il dépensa tant d’art et d’attention.
    Quand le régiment s’éloigna vers une autre position, le soin que tout homme se doit pour sa survie fit naître une autre ligne de tranchées ; et ils prirent leur déjeuner derrière une troisième. On les déplaça encore de celle-ci. On les faisait marcher d’un endroit à un autre sans but apparent.
    On avait appris à l’adolescent qu’un homme devenait autre dans la bataille. Dans un tel changement, il voyait son salut. Depuis, l’attente fut pour lui une dure épreuve. Il était dans une impatience fiévreuse. Il considéra que tout ceci dénotait un manque de décision de la part des généraux. Il s’en plaignit au soldat de grande taille :
    – « Je ne peux supporter ça plus longtemps » s’écria-t-il. « Qu’est-ce qu’on gagne à nous exténuer les jambes pour rien. »
    Il souhaitait revenir au camp, puisque cette affaire n’était qu’une manœuvre des bleus ; ou alors qu’on aille au combat, et il saurait qu’il était idiot de douter de sa valeur, et qu’en vérité il était digne du courage de ses pères. Il trouvait intolérable la tension qu’il subissait dans les circonstances présentes.
    L’échalas, en bon philosophe, prit un morceau de porc et de biscuit sec, et l’avala de manière nonchalante :
    – « Oh, je suppose qu’on doit faire des reconnaissances dans le pays, juste pour les tenir à distance ou pour les envelopper, ou quelque chose dans ce genre ».
    – « Ha ! » dit la voix de stentor.
    – « Hé bien ! » s’écria l’adolescent, toujours agité. « Je ferais n’importe quoi, plutôt que de me balader tout le jour dans le pays, ne faisant rien de bon, juste pour nous crever de fatigue. »
    – « Et moi donc ! » dit la voix de stentor. « Ce n’est pas juste. Je vais vous dire, si quelqu’un de sensé dirigeait cette armée, il… »
    – « Oh ! la ferme ! » rugit l’échalas. « Tu n’es qu’un petit idiot, un maudit gamin. Tu n’as pas encore porté cette tenue depuis six mois, et tu parles comme si… »
    – « Hé bien, j’veux me battre de toute façon » interrompit l’autre. « Je ne suis pas venu ici pour me promener. Si je l’avais voulu, j’aurais pu le faire chez moi autour de la grange. »
    L’échalas, le visage cramoisi avala un autre morceau comme s’il prenait du poison par désespoir.
    Mais graduellement, à mesure qu’il mâchait, son visage retrouvait à nouveau le calme et le contentement. Il ne pouvait éclater en de furieux arguments avec de tels morceaux à la bouche. Durant ses repas il avait toujours un air contemplatif, comme s’il bénissait la nourriture qu’il avalait ; alors, son esprit paraissait communier avec elle.
    Avec un grand sang-froid, il acceptait le nouvel environnement, ainsi que la situation qui en découlait, prenant de la nourriture de son havresac à chaque occasion. Au cours de la marche, il avançait avec le pas d’un chasseur, ne faisant d’objection ni pour l’allure, ni pour la distance parcourue. Et il n’avait pas élevé la voix quand on lui donna l’ordre de quitter successivement les trois petits

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