Le Signe rouge des braves (Un épisode durant la guerre de Sécession)
monticules de débris et de terre, dont chacun fut une prouesse technique qui eut mérité d’être dédiée à la mémoire d’un aïeul.
L’après-midi, le régiment avança sur le même terrain parcouru dans la matinée. Le paysage cessa alors d’être une menace pour l’adolescent. Il le sentait proche et lui devenait familier.
Quand ils commencèrent, pourtant, à passer dans une nouvelle région, ses craintes quant à l’incompétence et la stupidité de ses supérieurs l’assaillirent à nouveau ; mais cette fois il s’entêta à les laisser murmurer tant qu’elles voulaient. Il était occupé par son problème, et dans son désarroi il conclut que la stupidité des chefs n’avait aucune importance.
Il finit par penser qu’il lui serait préférable d’être tué d’un coup, et que ses ennuis prennent fin. De ce point de vue la mort n’était rien d’autre qu’un repos ; un moment il s’étonna qu’il eut dû faire tout cet extraordinaire tumulte à propos du simple fait d’être tué. Il serait mort et partirait dans quelque endroit où on le comprendrait. Il était inutile de s’attendre à ce qu’un homme comme le lieutenant appréciât la profondeur et la finesse de ses sentiments. C’est dans le tombeau qu’on le comprendrait enfin.
L’échange de tirs incessants des avants postes s’élargit en un long craquement sonore, à quoi se mêlaient de lointaines huées. Une batterie de canon tonnait.
Au même moment, l’adolescent pouvait voir courir les hommes de première ligne. Ils étaient poursuivis par des tirs de mousqueterie. Un moment après les flammèches brûlantes et meurtrières des fusils étaient visibles. Comme des fantômes en observation les nuages de fumée passaient avec lenteur et insolence au dessus du champ de bataille. Le bruit assourdissant monta crescendo, comme le rugissement d’un train qui arrive.
Une brigade devant eux sur la droite, se mit en action avec un fracas déchirant. Ce fut comme si elle avait elle-même explosé. Et tout de suite après, elle se tenait à distance derrière un long mur gris, qu’on devait regarder à deux fois pour s’assurer que c’était de la fumée.
L’adolescent, oubliant le net dessein de se faire tuer, regardait avec fascination, les yeux écarquillés, la bouche grande ouverte, la scène qui se déroulait devant lui.
Il sentit subitement une main pesante et triste se poser sur son épaule. Sortant de son état d’observateur fasciné il se retourna et vit le soldat à la voix de stentor.
– « C’est ma première et dernière bataille mon vieux » dit ce dernier, avec un air très sombre. Il était très pâle et ses lèvres féminines tremblaient.
– « Hé ? » murmura l’adolescent avec un grand étonnement.
– « C’est ma première et dernière bataille mon vieux » poursuivit le stentor, « quelque chose me dit… »
– « Quoi ? »
– « Je suis cuit dès cette première fois et… et je… v… veux que tu prennes ces choses-là… à… mes… parents » finit-il dans tremblant soupir de pitié pour soi. Il tendit à l’adolescent un petit paquet emballé dans une enveloppe jaune.
– « Pourquoi, que diable… » commença l’adolescent à nouveau.
Mais l’autre lui jeta comme un regard d’outre-tombe, leva sa main molle de manière prophétique et se détourna.
CHAPITRE QUATRIÈME
La brigade était positionnée à la lisière d’un petit bois. Les hommes s’accroupirent parmi les arbres, en pointant leurs fusils inquiets vers les champs. Ils essayaient de voir à travers la fumée.
Derrière ce voile ils pouvaient voir des hommes courir. Quelques-uns faisaient des gestes et criaient des mises en garde en courant.
Les novices du régiment regardaient et écoutaient d’un air avide, tandis que leurs langues couraient dans un incessant bavardage autour de la bataille. Dans leurs bouches volaient les rumeurs surgies du néant…
– « On dit que Perry a été repoussé avec de grosses pertes… »
– « Oui Carott est à l’infirmerie. Il dit être malade. Ce joli lieutenant commande la compagnie G. Les gars disent qu’ils ne veulent plus être sous ses ordres, quitte à tous finir par déserter. Ils ont toujours su qu’il était… »
– « L’artillerie de Hannisses a été prise. »
– « C’est pas vrai non plus. J’ai vu l’artillerie de Hannisses plus loin sur la gauche, y a pas plus de quinze
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