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Le Signe rouge des braves (Un épisode durant la guerre de Sécession)

Le Signe rouge des braves (Un épisode durant la guerre de Sécession)

Titel: Le Signe rouge des braves (Un épisode durant la guerre de Sécession) Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Stephen Crane
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manière à ce que le sang ne s’égouttât pas sur son pantalon.
    Le capitaine de la compagnie, serrant son épée sous le bras, tira un mouchoir et serra avec la blessure du lieutenant. Ils discutèrent sur la façon de mettre le bandage.
    À distance l’étendard s’agitait follement au milieu de la bataille. Il paraissait lutter pour se libérer d’une agonie. Les volutes de fumée étaient striées d’éclairs horizontaux.
    De cet écran de fumée, des hommes émergèrent au pas de course. Leur nombre augmentait jusqu’à ce qu’on comprit que toute la ligne de front fuyait. Soudain le drapeau tomba comme s’il venait de mourir. Sa chute avait l’air d’un acte désespéré.
    Des cris sauvages parvenaient de derrière l’écran de fumée. Le tableau en gris et rouge se transformait en une sorte de masse humaine qui galopait comme des chevaux sauvages.
    Les régiments des anciens à droite et à gauche du 304e commencèrent immédiatement leurs moqueries. Au chant passionné des balles, et aux hululements perçants des obus, se mêlaient les sifflets moqueurs et les conseils facétieux concernant les abris sûrs.
    Mais le régiment des novices, horrifié avait le souffle coupé.
    – « Mon Dieu Saunders est enfoncé ! » souffla un homme à côté de l’adolescent. Ils se reculèrent et s’accroupirent comme s’ils étaient contraints de subir la vague.
    L’adolescent jeta un regard rapide le long des rangs de son régiment. Les profils étaient immobiles, sculptés ; plus tard il se souvint que le sergent qui portait le drapeau se tenait debout les jambes écartées, comme s’il s’attendait à être renversé.
    La masse des fuyards se jeta comme un tourbillon autour des flancs de l’armée. Ça et là des officiers exaspérés étaient entraînés comme des éclats de bois sur un courant. Ils frappaient autour d’eux de leurs épées, de leurs poings, assommant toute tête qu’ils pouvaient atteindre. Ils juraient comme des bandits de grands chemins.
    Un officier à cheval manifesta la colère furieuse d’un enfant gâté. Tous les membres de son corps tremblaient de rage. Un autre, le commandant de la brigade, galopait tout autour en vociférant. Il n’avait plus de casquette et sa tenue était de travers. Il ressemblait à un homme qui venait directement du saut du lit pour aller au feu. Les sabots de son cheval menaçaient fréquemment la tête des fuyards, mais ils esquivaient avec un singulier bonheur. Dans cette ruée ils paraissaient tous être aveugles et sourds. Ils ne firent seulement pas attention aux longs et larges jurons qu’on déversait sur eux de toute part.
    Souvent, dominant le tumulte, on pouvait entendre les plaisanteries grinçantes des vétérans, toujours très critiques ; mais les hommes qui battaient en retraite n’étaient, apparemment, même pas conscients qu’ils avaient une audience.
    Ces effets de la bataille qui parurent sur la face des hommes de ce torrent fou, firent sentir à l’adolescent que les mains puissantes de la providence n’eussent pas été capables de le tenir en place, même s’il avait pu raisonnablement maîtriser ses jambes.
    Sur ces visages, il y avait une empreinte terrifiante. La fumée avait comme amplifié la lutte sur ces joues pâles et ces yeux fous remplis d’un unique désir.
    La vue de cette débandade était comme la force entraînante d’un fleuve en crue capable d’emporter les hommes, comme les arbres et les pierres. Les réservistes devaient tenir bon. Ils s’affermissaient, ils pâlissaient, ils rougissaient, ils tremblaient.
    L’adolescent au milieu de ce chaos se permit une petite pensée. Le monstre composite qui avait fait fuir les autres troupes n’apparaissait pas encore. Il résolut d’en voir un bout, et alors, pensa-t-il, il pourrait probablement courir mieux que le meilleur d’entre eux.

CHAPITRE CINQUIÈME
     
    Il y eut un long moment d’attente. L’adolescent se rappelait la rue de son village juste avant la parade du cirque, un jour de printemps. Il se revoyait debout, petit garçon tout excité, prêt à suivre la dame aux couleurs sombres sur son cheval blanc, ou l’orchestre sur son chariot décati. Il revoyait le chemin ocre jaune, la ligne des gens qui attendaient, et les maisons impassibles. Il se souvenait particulièrement d’un vieux type qui avait l’habitude de s’asseoir sur une caisse à munition en face de la grande épicerie, et qui feignait de mépriser pareilles

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