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Le soleil d'Austerlitz

Le soleil d'Austerlitz

Titel: Le soleil d'Austerlitz Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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pantalons blancs, ces épaulettes d’or, ces bottes noires. Mais un instant il se souvient de son uniforme de lieutenant d’artillerie.
    — Le plus beau, murmure-t-il à Bourrienne qui entre.
    Bourrienne a le visage grave.
    On ne peut se laisser aller à la nostalgie quand on est le sommet de la pyramide.
    — Allons, dit-il à Bourrienne.
    On a enlevé un sénateur, Clément de Ris. Ses ravisseurs réclament une rançon, mais on ignore s’ils n’ont pas d’autres mobiles. Peut-être Clément de Ris détient-il des documents compromettants pour certains personnages importants, qui, alors que le Premier consul se trouvait en Italie, ont intrigué, croyant à la défaite ?
    Il n’est point besoin que Bourrienne prononce le nom de Fouché. Cet homme pâle aux yeux voilés est de tous les mystères politiques. Que veut-il ?
    Mais Bourrienne n’en a pas fini. Des jacobins ont été dénoncés par un de leurs complices. Ils préparent l’assassinat du Premier consul lors de la représentation d’un opéra au théâtre de la République, rue de la Loi, le 10 octobre. Que fait-on de ces hommes ?
    Bourrienne donne leurs noms. Parmi eux, un peintre, Topino-Lebrun, un Italien, Ceracchi, et Demerville, un ancien employé du Comité du salut public… Bourrienne hésite à poursuivre. D’un mouvement de la tête, Napoléon l’incite à continuer.
    — Aréna, un Corse, frère d’un député des Cinq-Cents qui, le 19 brumaire, a été des opposants au poignard.
    Les vieilles haines insulaires ne sont jamais éteintes.
    Doit-on arrêter les conjurés ?
    Napoléon hésite. Il faut retourner les situations, se servir de ce complot pour mobiliser l’opinion, et peut-être démasquer Fouché.
    — Il faut nourrir le complot, dit-il, et le mener à terme.
    À la guerre comme en politique, pour combattre les adversaires, il est nécessaire de pénétrer leurs intentions, de les laisser se découvrir, de feindre la faiblesse ou l’ignorance, puis on frappe au moment que l’on a choisi.
     
    Le 10 octobre, dans les couloirs illuminés du théâtre, Aréna et ses complices sont arrêtés. Ils portent des poignards. Il suffit maintenant de dénoncer à l’opinion ces « revenants de septembre » et ces hommes de sang qu’elle a rejetés parce qu’elle se souvient des massacres de septembre 1792.
    Le lendemain, lors de la revue militaire du Carrousel, la foule acclame Bonaparte avec un enthousiasme jamais atteint.
    On peut alors montrer sa force, mépriser « ces sept ou huit malheureux qui, pour avoir la volonté, n’avaient pas le pouvoir de commettre les crimes qu’ils méditaient ».
    On peut rassurer. Dire aussi que « gouverner la France après dix ans d’événements aussi extraordinaires est une tâche difficile ». Mais quoi ! « La pensée de travailler pour le meilleur et le plus puissant peuple de la terre » donne tous les courages.
    Et vous, Fouché ?
    Napoléon regarde le ministre qui se montre sceptique et calme, qui doute du complot.
    — Pour avoir des preuves, faut-il attendre que j’aie le poignard dans le coeur ? s’écrie Napoléon.
     
    Je suis la cible parce que je suis la clé de voûte de l’édifice.
    Demain il y aura une autre « conjuration des poignards ».
    Et si je meurs ?
    Il doit penser à cela. Prévoir qui le remplacera.
    — C’est un vide qui existe dans le pacte social, dit-il à Cabanis, l’un des sénateurs qui lui sont dévoués.
    Cabanis reste coi. C’est pourtant l’un de ceux qui ont aidé à la préparation du 18 Brumaire. Mais c’est un homme prudent.
    — Ce vide doit être rempli, reprend Napoléon. Si l’on veut assurer le repos de l’État, il est indispensable qu’il y ait un consul désigné.
    Napoléon se place devant la fenêtre de son cabinet. En face de lui, il y a un grand miroir au cadre sculpté.
    — Je suis le point de mire de tous les royalistes, de tous les jacobins, dit-il. Chaque jour ma vie est menacée, et elle le serait encore davantage si, forcé de recommencer la guerre, je devais encore me mettre à la tête des armées.
    Cabanis est resté immobile, comme s’il craignait qu’un mouvement ne trahisse sa pensée.
    — Quel serait, dans cette supposition, le sort de la France, et comment ne pas penser à prévenir les maux qui seraient l’inévitable suite d’un tel événement ?
    Ma mort.
    Pour la combattre, les rois ont créé une dynastie.
    Et moi ?

7.
    Napoléon marche à grands pas dans son cabinet de travail des Tuileries. Du

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