Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le souffle de la rose

Le souffle de la rose

Titel: Le souffle de la rose Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
Vom Netzwerk:
épaisse écharde de verre. Que
venait-elle faire là ? Il y avait fort peu de vitres dans l’abbaye. Seules
les fenêtres du scriptorium en étaient munies et, à sa connaissance, aucune n’avait
été brisée. Elle passa son doigt sous l’eau d’un broc au-dessus de l’évier de
pierre puis l’enduisit de la liqueur de thym, de romarin, de bouleau et de
sauge [71] contenue dans la fiole qui ne quittait pas la ceinture de sa robe. Un
toussotement discret la fit se retourner. Une novice timide murmura en se
penchant vers elle :
    — Notre mère vous fait mander. Elle vous attend dans
son bureau.
    La jeune femme disparut aussitôt et Annelette prit le temps
de panser la fine entaille d’un bout de toile avant de rejoindre le bureau de l’abbesse.
    Éleusie se leva à son entrée, le visage fermé. Annelette l’interrogea
d’un haussement de sourcils.
    — On vient de me faire un invraisemblable rapport. J’en
suis encore retournée. J’ai le sentiment que plus nous avançons, moins j’y vois
clair.
    Annelette patienta. Quelque chose dans l’attitude de l’abbesse
l’intriguait, l’alarmait même. Éleusie passa sa longue main trop fine sur son
front et soupira :
    — L’enfant... ce petit Thibaut de Fleury est... décédé
il y a presque deux ans, quelques mois seulement après son grand-père.
    Annelette se sentit vaciller. Elle se laissa aller dans le
fauteuil qui faisait face à la table de travail et souffla :
    — Ah non... Mais...
    — J’ai eu d’abord la même réaction que vous, ma fille.
Nous nous heurtons à une accumulation d’invraisemblances. Car, en ce cas,
pourquoi donne-t-on des nouvelles de sa bonne santé et de sa joyeuse enfance à
sa mère ? Qui ose commettre une telle monstruosité ? Et puis,
pourquoi n’a-t-elle pas reçu de courrier annonçant le décès de son père, puis
de son fils ?
    — Je m’y perds, avoua Annelette. Surtout, je ne sais
que faire. Devons-nous prévenir Yolande de l’horrible farce dont elle est la
victime ?
    — Et risquer que le chagrin la tue ?
    — Et risquer que le chagrin la tue... mais qu’elle nous
livre le nom de son informatrice, rectifia l’apothicaire.
    — Pensez-vous que la malveillance guide cette dernière,
ou qu’elle se contente de relayer elle-même auprès de Yolande des informations
qu’une tierce personne lui communique ?
    — Je n’en sais rien, et la seule façon d’en juger est d’obtenir
son identité.
    Un nouveau silence s’installa. Annelette tentait d’ordonner
le chaos de ses idées, de trouver un lien qui unisse tous ces éléments
disparates, lesquels semblaient dépourvus de sens. Une lassitude sans fin
engourdissait Éleusie de Beaufort. Elle se sentait glisser en dedans d’elle-même.
Son univers se réduisait peu à peu en cendres et elle n’avait d’autre solution
que d’en contempler la ruine. Au prix d’un prodigieux effort contre elle-même,
elle ordonna :
    — Allez quérir Yolande.
    Annelette trouva la sœur grainetière aux étuves, occupée à
plier le linge en compagnie de Thibaude de Gartempe, sœur hôtelière. Yolande la
fixa sans aménité lorsqu’elle lui transmit la convocation de l’abbesse. La
petite femme jadis si joyeuse n’avait pas pardonné ses soupçons à l’apothicaire.
Elle la suivit sans un mot, sans même s’enquérir de ce qui motivait cette
entrevue, pour le plus grand soulagement d’Annelette.
    Éleusie se tenait debout, les reins appuyés contre sa table
de travail comme si elle se préparait à résister à une charge. Au chagrin qui
crispait son visage, Yolande comprit que quelque chose de grave se préparait.
    — Ma mère ?
    — Yolande... ma chère fille... Votre... père est décédé
il y a un peu plus de deux ans.
    Yolande baissa les yeux et murmura :
    — Mon Dieu... paix à son âme. J’espère qu’il m’avait
pardonné... (Soudain, elle s’enquit :) Mais... Et mon fils... Et Thibaut,
qui veille sur lui, maintenant ? J’étais la seule descendante.
    — Votre... informatrice ne vous l’avait donc pas appris ?
intervint l’apothicaire.
    Yolande se tourna vers elle, le visage dur et fermé avant de
siffler entre ses dents :
    — Je préférerais n’avoir pas à m’entretenir avec vous.
Je ne vous ai jamais appréciée, toutefois, je n’aurais jamais cru devoir me
méfier de vous. (Elle considéra l’abbesse et son ton se radoucit :) Ma
mère, je vous en conjure, qui s’occupe de mon Thibaut ?
    Ce fut au tour

Weitere Kostenlose Bücher