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Le souffle du jasmin

Le souffle du jasmin

Titel: Le souffle du jasmin Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gilbert Sinoué
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emmena l'appareil chez lui, rue
Hussein-Badr.
    Taymour écoutait, à la fois amusé et vaguement inquiet.
Personne dans son entourage politique, qui bruissait pourtant de tous les
bruits de la création, n'avait soufflé mot de cette histoire rocambolesque.
    – J'ai oublié de te préciser qu'au cours des semaines
précédentes les Anglais avaient intercepté les messages, mais sans parvenir à
les décoder ni localiser avec précision le lieu d'émission.
    – J'imagine la suite...
    – J'en doute ! Le 10 juillet, les Britanniques capturèrent dans le désert des
membres de l'équipe d'interception de Rommel et trouvèrent en leur possession
deux exemplaires d'un livre d'une romancière anglaise, Daphne du Maurier, Rebecca [102] . Or – détail qui leur mit la puce à l'oreille – les deux Allemands appréhendés ne parlaient pas un traître
mot d'anglais. Autre détail curieux, les exemplaires en question étaient
annotés.
    Taymour se hâta d'enchaîner avec la jubilation d'un
gamin :
    – Ils étaient tombés sur le code secret qui permettait aux
Allemands de crypter leurs messages !
    – Exact. Le major Sansom, chargé de l'enquête, se souvint alors d'une information qu'il
avait vu passer,
indiquant que quelques mois auparavant, la femme de l'attaché militaire allemand à Lisbonne avait acheté cinq copies de l 'ouvrage. Personne, à ce moment, n'avait trouvé
d'explication à cette acquisition.
    Taymour sourit. Rebecca était l'un des romans favoris de Nour.
    – Mais quel lien avec Sadate ?
    – J'y arrive. Les deux espions étaient
toujours impossibles à localiser et auraient pu continuer longtemps leur
besogne. Seulement, ils ignoraient que les Sterling qu'ils utilisaient pour
régler leurs fastueuses dépenses et rémunérer leurs indics, en
l’occurrence des prostituées, étaient faux, l'Abwehr n'ayant pas jugé utile de
les prévenir. En constatant cette avalanche de fausse monnaie, la police
militaire anglaise s'est livrée à une enquête et a fini par établir qu'elle
provenait du Turf Club et du Kit-Kat. Il ne lui a pas fallu longtemps pour
identifier les deux Crésus. En les appréhendant, ils ont trouvé dans la
dahabieh un autre exemplaire de Rebecca [103] .
    – Et Anouar ?
    Zulficar eut un geste de dépit.
    – Balancé par les deux Allemands. Après
une descente à son domicile, la police a retrouvé le poste émetteur, caché sous
son lit. On a commencé par enfermer notre ami dans la prison dite « des
Étrangers », réservée aux détenus politiques, avant de le transférer à
Minieh, au centre de détention de Maqsah.
    Les deux hommes achevèrent de siroter
leur raki.
    – Conclusion, à l'heure où nous
parlons, notre cher von Sadate croupit en prison à Minieh.
    Zulficar acquiesça avec une
expression lasse.
    Après un court silence, Taymour
observa :
    – C'est bien dommage. En dépit de ses
attitudes parfois caricaturales, il semblait l'âme du mouvement des officiers.
    – Détrompe-toi. L'âme, c'est un autre
personnage, autrement plus énergique.
    – Qui donc ?
    Taymour arbora un sourire espiègle avant de
répondre :
    – Cherche, mon ami. Cherche bien.
     
     
    *
     
     
    Paris,
7 juin 1944
     
     
    Jean-François déboula dans la chambre à coucher en
poussant de tels cris que Dounia, encore somnolente, imagina le pire.
    – Ça y est ! Ils ont réussi ! Ils ont
réussi !
    Il se jeta sur le lit comme un gamin et couvrit son
épouse éberluée de baisers.
    – Mais... de quoi parles-tu ? De qui ?
    – Je parle des Alliés !
    – Oui ?
    – Tu ne comprends donc pas ?
    Dounia secoua la tête, dubitative.
    – Les Alliés ont débarqué hier matin !
    – Où ?
    – En France ! Ici ! En Normandie ! Aux
dernières nouvelles, ils n'auraient pas atteint tous les objectifs fixés, mais
pu établir de solides têtes de pont.
    Il poussa un nouveau cri, formant un V avec ses bras
levés.
    Dounia, sous le choc, se redressa, incrédule.
    – D'où tiens-tu ces informations ? Sont-elles
sûres ? Ce ne serait pas des rumeurs, au moins ?
    – Pas du tout. Elles ont été vérifiées. Les Alliés ont
bien débarqué, hier matin, à 6 h 30. On parle de plus de deux cent mille hommes
déjà à terre.
    – Tu ne m'as pas répondu : d'où tiens-tu ces
informations ?
    Jean-François fixa Dounia avec une expression étrange.
    – Mettons qu’elles m'ont été transmises par quelqu'un de
confiance.
    Une lueur d'inquiétude traversa les prunelles de la
femme.
    –

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