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Le souffle du jasmin

Le souffle du jasmin

Titel: Le souffle du jasmin Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gilbert Sinoué
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tuteur de Farouk à Woolwich, venait
d'arriver. Introduit dans le bureau de Lampson, il lui tendit une lettre signée
par une cinquantaine de personnalités.
    « Nous
considérons que l'ultimatum britannique porte gravement atteinte aux accords
conclus entre l'Égypte et l'Angleterre, et à l'indépendance du pays. Pour ces
raisons, et s'appuyant sur notre avis, Sa Majesté refuse de se plier à vos
exigences. »
    Lampson
jubila. Il tenait sa proie ! Il n'allait faire qu'une bouchée du kid .
    Il rendit
la lettre à Hassaneïn et se contenta de déclarer qu'il rendrait visite au roi à
21 heures.
    À 21
heures précises, un bataillon de six cents soldats anglais encercla le palais
Abdine.
    Quand la
Rolls arriva devant les grilles, celles-ci étaient fermées. Un officier mit
pied à terre et fit sautées les serrures d'un coup de revolver.
    Faisant fi
des cris de protestation du grand chambellan, le haut-commissaire s'engouffra
dans le bureau de Farouk. Hassaneïn pacha, l'ex-tuteur du roi, se tenait à ses côtés. L'Anglais cacha mal son
impatience. L'idée de destituer un
roi l'exaltait. Il se voyait déjà gouverneur des Indes. Poste qu’il convoitait depuis
toujours.
    Le grand
chambellan tenta de refouler
le général Stone hors du bureau royal. Lampson le tança vertement »
    – Dans ce cas, protesta Farouk, la voix vacillante, permettez
que Hassaneïn demeure à mes côtés.
    Lampson haussa les épaules. Il n'y voyait pas d'inconvé nient. Sans plus attendre, il se lança dans une diatribe où il fut question du non-respect de l'ultimatum dans les délais
exigés. Quinze minutes de retard ! Il parla aussi de trahison à l'égard de l'Angleterre et des accords passés, de
connivence avec l'ennemi
allemand.
    Le roi essaya de se justifier, mais Lampson le coupa et
posa sur le bureau l'acte rédigé le matin même par sir Walter Monckton.
     
    Nous, roi Farouk d'Égypte, pleinement concerné par les
intérêts de notre pays, renonçons et abandonnons au profit de nos héritiers le trône du royaume de l'Égypte ainsi que
tous les droits, privilèges, puissance, souveraineté sur ledit royaume et ses
sujets, et nous exemptons lesdits sujets de toute allégeance à notre personne.
     
    – Signez ! ordonne Lampson.
    Farouk continua de fixer le texte. Il avait été
gribouillé sur une simple feuille de papier où n'apparaissait même pas l'entête
de l'ambassade britannique. Le souverain grimaça un sourire :
    – Vous auriez quand même pu trouver un papier décent...
    Lampson garda le silence, bras croisés.
    Farouk saisit son stylo. Il allait signer.
    Le représentant anglais était aux anges.
    C'est alors que Hassaneïn pacha se précipita et murmura
quelques mots à l'oreille du monarque.
    – Alors ! s'impatienta l'Anglais.
    Farouk reposa son stylo.
    – D'accord. Il sera fait selon votre volonté. Je nommerai
Nahas pacha.
    Ces propos venaient vraisemblablement de lui être
soufflés par le fidèle Hassaneïn. Lampson n'avait plus d'autre choix que
d'accepter. Tant pis pour la destitution.
    Farouk respira. Il venait de sauver
son trône. À quel prix !
    Lorsqu'on rapporta à Taymour Loutfi le déroulement de cette tragédie, il alla voir son épouse, et lui déclara,
la gorge nouée, les yeux embués de larmes :
    — Nous n'avions pas de roi. Nous
n'avions qu’un homme à la tête de l'Égypte. Désormais, même l'homme n’est plus.
     

 
     
     
     
     
     
     
     
     
     

Onzième partie
     

 
     
     
     
30
     
     
     
     
    Et si la
plus cruelle des humiliations était d'être contraint de vivre chez soi en
étranger ?
     
     
    Haïfa,
juin 1942
     
     
    – Mon fils, tonna Mourad, tu n'as que
vingt et un ans, tu es encore un enfant. Écoute les conseils de ton père :
éloigne-toi de ces gens. Ils sont dangereux !
    – Ton père a raison, Karim. Reste en
dehors de ces histoires.
    Le jeune homme serra le poing.
    – C'est vous qui parlez ainsi ?
Toi, papa, qui a consacré ta vie à la défense de nos droits ?
    – Pacifiquement, scanda Mourad,
pacifiquement !
    – C'est ton choix. Mais ce n'est ni
celui de mon oncle Soliman, que vous traitiez pourtant de poète
et de rêveur, ni celui d'Abd el-Kader, le mari de ma tante qui, même exilé
en Égypte, continue de lutter et de diriger ses hommes !
    Mourad garda le silence et examina
son fils. Quelle métamorphose durant ces deux dernières années ! Son
visage avait adopté une expression tout à fait particulière, accentuée par

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