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Le souffle du jasmin

Le souffle du jasmin

Titel: Le souffle du jasmin Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gilbert Sinoué
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Veux-tu bien m' expliquer ?
    – Pas maintenant.
    – Jean-François !
    – Dans quelques jours, promis, tu
sauras tout. Dans quelques jours.
    Elle le dévisagea longuement, tandis qu'un commentaire bi zarre qu'il avait émis au lendemain de l'appel lancé à la
BBC par ce général exilé lui revint en
mémoire : « Qui ne mourrait pour conserver son
honneur, celui-là serait infâme. »
     
     
    *
     
     
    Le
Caire, 26 août 1944
     
     
    John Wyndham but une longue gorgée de
son gin-tonic et jeta un coup d'oeil sur la terrasse de l'hôtel Shepheard's,
bondée en dépit de la chaleur étouffante. La majorité des tables étaient
occupées par des compatriotes. Presque tous en uniforme. Il éprouva une
certaine fierté à la vue de l'armée impériale. Fierté redoublée depuis que la
communauté anglaise avait pris connaissance de la formidable nouvelle en
provenance d'Europe : la veille, au terme d'une progression implacable,
les troupes alliées étaient entrées dans Paris ! Paris libéré ! La
première grande capitale européenne débarrassée du joug nazi ! La fortune
avait changé de camp. Et tout portait à croire que ce serait pour de bon.
    Arrivé en Égypte depuis trois jours
après un voyage qui n'avait pas compté moins de onze escales, venant de Londres
soumis aux bombardements et aux rationnements, sauf celui de l'eau et des
carottes, Wyndham se laissait pénétrer par les charmes exotiques familiers aux
grands commis de l'Empire. Il avait encore dans l'œil les cuivres rutilants du
Khan Khalîl et dans le nez les senteurs de sacs d'épices connues et inconnues.
    Il lança un regard espiègle au
secrétaire oriental de l'ambassade, Alastair Barnes, qui l'avait emmené faire
un tour de capitale.
    – Cher monsieur Barnes, il semble
qu'en dépit de la prédiction de Kipling l'Occident et l'Orient se
soient enfin rencontrés au Caire ?
    La tactique de Wyndham, sa politique eût-on même dit,
consistait à mettre ses interlocuteurs à l’aise par des observations anodines,
quitte à passer pour un benêt, afin de les inciter à se confier. Il venait
d'être délégué par le Foreign Office, avec le titre d'envoyé extraordinaire,
afin d'établir un rapport « véridique » sur une situation que les
informations du ministre d'État et de l'ambassadeur dépeignaient décidément
comme trop lisse. Plusieurs renseignements obtenus par l'Intelligence Service
indiquaient en effet que les tensions en Égypte étaient bien plus vives que
l'indiquaient M. Lampson, devenu lord Killearn, et sir Lyttelton.
    L'autre s'adressa à lui sur un ton teinté d'ironie,
    – Monsieur Wyndham, je vous sais trop fin pour juger une
médaille sur une seule face.
    Wyndham nourrissait une certaine admiration pour le
secrétaire oriental, qu'il avait, le matin même, au Khan Khalîl, entendu
s'exprimer dans un arabe digne d'un cocher de fiacre et, un peu plus tard, dans
un café grec, parler grec comme s'il avait été élevé parmi les gamins du Pirée.
    – Quelle est l'autre face ? demanda-t-il.
    Barnes haussa les épaules :
    – Déplorable.
    – Mais encore ?
    – Monsieur Wyndham, une moitié de la classe politique
égyptienne est à couteaux tirés avec l'autre, nommément le Wafd. L'armée et le
reste du pays espèrent
ardemment nous voir ravagés par une maladie exclusive aux Anglais.
    – Et le roi ?
    – Je parierais cinquante guinées que, dans sa solitude,
il rêve de découper notre ambassadeur et son Premier ministre en rondelles pour
les donner en pâture à ses chiens. J'ai quelques raisons de lui prêter des
projets plus ténébreux.
    – Lord Miles et sir Oliver sont-ils au courant ?
    – Ils en ont été informés, répondit Alastair Barnes d'un
ton las, mais je crains qu'ils l'aient oublié. Pour eux, si vous me permettez
de parler franchement, ce sont des querelles de subalternes qu'un gentleman ne
doit pas prendre.
    – Mais vous, ne pensez pas la
situation grave ?
    – Elle peut
le devenir, elle le deviendra même inéluctablement à plus ou moins longue
échéance. Le soleil, monsieur Wyndham, ne se couche pas plus sur la colère des
Arabes que sur l'Empire britannique.
    Jolie
formule, songea l'envoyé extraordinaire.
    – Que
peut-on y faire ?
    – Rien. Ils nous exècrent. Et ils
nous exécreront tant que nous resteront ici. Que faire ? Foutre le camp
dès que nous le pourrons. Et laisser la place aux Américains, qui semblent
pressés de nous succéder.
    – Croyez-vous ?
    – Ce

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