Le souffle du jasmin
Néo-Zélandais et autres soldats venus du Commonwealth,
résistaient, au prix de lourdes pertes en vies et en matériel. La date la plus meurtrière
de la guerre d'Afrique fut le dimanche 23 novembre 1941,
qualifié par les Allemands de Totensonntag , « Dimanche
des morts ». Ce jour-là, le désert de Libye fut rouge de sang. Abreuvé de
la vie de milliers d'êtres humains.
En
apprenant l'issue de cette bataille, un vertige s'empara de Taymour : ces
dizaines de milliers de vies sacrifiées, Anglais, Allemands, Arabes,
l'emplissaient d'amertume. Quand s'arrêterait ce massacre ?
C'est
alors que les événements se précipitent, aussi alarmants à l'intérieur qu'à l'extérieur de l'Égypte.
Le 29
janvier 1942, on apprit que le maréchal Rommel avait repris la ville de
Benghazi aux Alliés.
Le 1 er février, influencés par on ne sait qui, les é tudiants de l'université d'El-Azhar envahirent les rues du
Caire en criant : « Nous sommes les soldats de Rommel ! ».
Déchaînés, ils réclamèrent la démission du Premier ministre, Sirri pacha, une
autre marionnette anglaise, et son remplacement par un homme réputé pour sa
sympathie pour les forces de l'Axe : Ali Maher pacha.
Le roi
hésita. Mais pas longtemps. Le destin lui donnait peut-être l'occasion de faire
un sort à l'affirmation qui courait depuis son avènement : « Farouk
règne, mais ne gouverne pas. » Le 3 février, il renvoya le gouvernement de
Sirri et s'apprêta à nommer l'homme réclamé par son peuple : Ali Maher.
Courage ?
Inconscience ?
Lorsque le
représentant britannique, sir Miles Lampson, apprit la destitution de Sirri – son ministre – il déjeunait, après s'être
livré à une partie de chasse dans le
Fayoum Stoïque, il posa ses couverts, se leva, rangea
ses fusils et annonça, sourire aux lèvres, à son entourage : « Désolé de devoir
vous quitter, mais j'ai
un roi à détrôner. »
Rencogné
dans la Rolls-Royce de la résidence qui le ramenait dans la capitale, le
proconsul britannique ruminait sa colère, se remémorant sans doute ce que Sirri
lui avait dit un jour de Farouk : « Un gosse trouillard, auquel il
faut faire peur de temps en temps. »
Eh bien, goddammit , il allait
lui faire peur.
Aux yeux
du représentant britannique, si un homme devait remplacer Sirri, ce serait
Nahas pacha, ennemi intime de Farouk. Âgé de soixante-six ans, avocat de
profession, Nahas était une figure emblématique de la politique égyptienne.
C'est lui qui, dès 1927, avait assumé la présidence du Wafd, après le décès de
Zaghloul. Lampson estimait donc qu'il était le seul capable de faire accepter
aux masses égyptiennes une éventuelle contribution à l'effort de guerre
anglo-américain.
À peine
revenu de sa partie de chasse au 10, rue Tolombat, à Garden City, il décrocha
le téléphone, appela le jeune monarque et lui demanda les raisons du limogeage
de Sirri pacha. Farouk s'apprêtait à répondre quand Lampson le coupa :
— Majesté,
je vous somme de nommer Nahas Pacha à la tête du gouvernement et nul autre. Je
vous donne jusqu'à demain 18 heures. Dans le cas contraire, je crains que vous
n'ayez à subir des conséquences fâcheuses.
Dans la
matinée du 5, Lampson convoqua le Comité de défense, constitué du général
Stone, commandant des forces britanniques en Égypte, d'Oliver Lyttelton,
ministre d'État au Moyen-Orient, et de sir Walter Monckton, nouveau chef des
Services de Propagande et de Renseignement. Ce dernier était l'homme qui avait
rédigé l'acte d'abdication d'Édouard VIII d'Angleterre. Lampson leur expliqua
la situation et ce qu'il voulait.
Monckton
s'assit à une table dans le grand bureau du premier étage, qui donnait sur les
jardins, et commença à rédiger le second acte d'abdication de sa carrière.
– Sir
Miles, demanda le général Stone, soucieux, croyez- vous opportun en ce moment de forcer le
roi à abdiquer ? Le peuple…
– Général,
je connais ce peuple depuis des années : il ne fera rien.
– Et par
qui avez-vous l'intention de remplacer Farouk ?
– Par le
prince Mohammad Ali.
Stone ne
parut pas convaincu.
– Le
Foreign Office est-il informé de vos intentions ?
–
Parfaitement. J'ai l'aval de notre ministre, sir Anthony Eden.
Lampson
consulta sa montre pour la troisième fois depuis le début de la réunion.
À 18 h 15,
soit un quart d'heure après la fin de l'ultimatum, l'huissier annonça une
visite : Hassaneïn Pacha, ancien
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