Le souffle du jasmin
Juifs en ont profité pour lancer une contre-offensive dans la nuit. Depuis,
ils sont maîtres de l'endroit.
– Abd el-Kader est donc mort pour rien.
Il hocha la tête tristement.
– Et Samia ? Abd el-Kader lui avait
écrit un mot, quelques heures avant de périr. Il la confié à Soliman. Il...
– Oui. Ne te fais pas de soucis. Soliman
lui a remis la lettre dès son retour de Castel.
Mourad prit la main de son fils et le contempla en silence le cœur
serré. Il avait mal pour lui. Mal pour cette jeune fille, Leïla, que la guerre
rendait orpheline, mal surtout d'être vivant.
Au même instant, assise à même le sol, Samia relisait pour dixième fois les
mots d'Abd el-Kader :
Ma Samia chérie,
Nous allons écrire une grande et glorieuse page d'histoire. Tu ne peux
imaginer ce que nous avons fait, jour et nuit, de douloureux sacrifices et
d'efforts. Mais, dans l'action, les hommes s'oublient eux-mêmes. Ils oublient
de manger, de boire, de dormir. Ils oublient leurs parents et leurs fils.
L'ennemi est fort, Samia, mais nous remporterons la victoire finale. Inch
Allah !
Je glisse dans l'enveloppe un poème que j'ai composé hier soir à
l'intention de notre fils, Hussein. Qu'il n'oublie pas. Qu'il n'oublie jamais !
Ce pays d'hommes braves,
Est celui de nos aïeux.
Sur cette terre,
Les Juifs n'ont aucun droit.
Comment pourrais-je dormir
Quand elle est aux mains de l'ennemi ?
Quelque chose brille dans mon cœur,
C'est ma patrie qui m'appelle.
Samia replia la feuille et la glissa dans l'échancrure
de sa robe, sur son sein. Elle n'aurait jamais imaginé qu'un
guerrier pût être aussi un poète.
*
Base de Ramat Gan, banlieue est de
Tel-Aviv, 25 avril 1945
Menahem Begin s'assura que le micro était en état de marche et
proclama :
« Hommes de l’Irgoun ! Nous allons conquérir Jaffa. No allons
lancer une des batailles décisives de l'indépendance d'Israël. Sachez qui se
trouve devant vous et souvenez-vous qui se trouve derrière vous ! Vous
faites face à un ennemi cruel qui veut nous détruire. Des parents, des frères,
des enfants sont derrière vous ! Frappez durement l'ennemi ! Visez
juste ! Économisez vos munitions ! Dans la bataille, ne montrez pas
plus de pitié envers l'ennemi
qu'il n'en montre envers notre peuple ! Mais épargnez les femmes et les
enfants ! Quiconque lève la main et se rend aura la vie sauve. Vous
l'épargnerez ! Vous
serez menés au combat par
le lieutenant Gidi. Vous n'avez qu'une seule direction à suivre : En
avant ! [108] »
La bataille de Jaffa commença le lendemain. La ville fut
bombardée soixante-douze heures durant.
Le 13 mai, elle capitula.
La
population n'eut d'autre choix que de fuir. Sur les soixante-dix mille
habitants, quatre mille environ restèrent sur place.
*
Tel-Aviv, 14 mai 1948
Dans
le hall bondé du musée d'Art moderne, les cadets de l'École des officiers de la
Haganah avaient de plus en plus de peine à contenir la foule. Ce vendredi 14
mai 1948 n'était pas un jour comme les autres. Pour les Juifs, c'était le 5
iYar de l'an 5708 du calendrier hébraïque. C'était aussi le jour où s'achevait
le mandat britannique sur la Palestine. À minuit pile, Arabes et Juifs se
retrouveraient face à face, sans les soldats de Sa Gracieuse Majesté pour les
séparer.
Les
murs de la petite salle étaient couverts de tableaux : les Hébreux lettrés
reconnaissaient Le Juif tenant les tables de la Loi de Marc Chagall, ou Le Pogrom de Minkovski. Mais
tous, sans exception, savaient qui était l'homme barbu au centre du plus grand
mur, le portrait entouré de deux drapeaux blancs à bandes bleues et étoile de
David : Theodor Herzl, le père du sionisme.
David
Ben Gourion venait de prendre place sous le cadre. À ses côtés étaient réunis
les quatorze membres du Conseil national juif et toutes les élites du
futur État hébreu. À 16 heures précises, il se leva et, d'une voix sourde,
lut :
« La
terre d'Israël est le lieu où naquit le peuple juif. C'est là que s'est fondée
son identité spirituelle, religieuse et nationale. C'est là qu'il a réalisé son indépendance et créé une culture qui a une
signification nationale et universelle. C'est là qu'il a écrit la Bible et l'a
offerte au monde. Contraint à l'exil, le peuple juif est resté fidèle à la
terre d'Israël dans tous les pays où il s'est trouvé dispersé, ne cessant
jamais de prier
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