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Le souffle du jasmin

Le souffle du jasmin

Titel: Le souffle du jasmin Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gilbert Sinoué
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les
prétentions de ce jeune homme. Comprends que je n'éprouve aucune animosité
envers toi, précisa Loutfi en regardant Mourad. Tu as de bonnes manières. On
voit que tu es un enfant de bonne famille. Si j'en juge par les résultats que
tu as obtenus et, d'après ce que mon cousin, le recteur de l'université, m’a
confié, tu es sérieux dans tes études. Seulement, toutes ces qualités ne sont
pas suffisantes pour faire un mari. En tout cas pas celui de la fille de Farid
Loutfi bey.
    Mona
protesta :
    – Comment peux-tu savoir ce dont
j'ai besoin ? Et quelles sont les qualités que je recherche chez un
homme ? Peux-tu me dire, papa ?
    – Du calme, ma fille. J'ai bien
expliqué clairement que j’appréciais notre ami. Lorsque j'affirme que ses
qualités sont insuffisantes, je veux dire qu'il ne possède pas les moyens de
subvenir aux besoins d'une famille.
    Il posa sa
main sur l'épaule de Mourad.
    – Devant Dieu, est-ce que je me
trompe ? Tu as tout juste vingt ans. Tu as encore trois ans d'études et
pas de travail. Alors ? Comment feras-tu pour nourrir ma fille et les
nombreux enfants que le Très -Haut ne
manquera pas de vous accorder ? Peux-tu me répondre ?
    – Je n'ai
jamais entendu pareilles niaiseries ! s'exclama soudain Amira. Et tout l'argent
qui dort dans tes coffres, Loutfi bey ? Toutes ces
liasses de Livres Sterling et tes lingots d’ or et tes terres ? Ils doivent servir à quoi ? À
nourrir les rats ? Tu ne peux pas aider ces jeunes gens à démarrer dans la
vie ?
    – Quelle importance si pendant trois
ou quatre ans tu subviens à leurs besoins ? Tu vas en tomber malade ?
Hein ?
    – Ya rabb erhamni  ! Mon Dieu, épargne-moi ! Qui
parle de tomber malade ! Ou de ne pas les aider ! Mais il faut quand
même que ce garçon commence à gagner sa vie avant de se marier, non ?
C'est la moindre...
    – Pardonnez-moi, ma tante, intervint
Mourad, d'une voix posée. Je crois que Loutfi bey a raison. J'avoue que mon
amour pour votre fille a non seulement brouillé mon cœur, mais aussi mon
esprit. En effet, il serait plus sage que nous attendions la fin de mes études.
Car il est impensable et indigne que je sois entretenu par ma belle-famille.
Vous avez mentionné les enfants. Comment pourrais-je regarder mon fils ou ma
fille dans les yeux sachant qu'il est nourri par des tiers, même si ces tiers
ne sont pas des étrangers ? Non. Je ne le supporterais jamais. Néanmoins,
j'implore une faveur : autorisez-nous à nous fiancer. Ce gage d'union nous
donnera le courage de patienter.
    Il prit
délicatement la main de Mona et murmura :
    – Loutfi bey, je vous en prie.
    – Accordé ! s'écria Amira sans
hésiter.
    – Accordé ! reprit Taymour en
écho.
    Loutfi
faillit s'étrangler.
    – Mon avis ? Quelqu'un peut-il
me demander mon avis ?
    – À quoi bon ? répliqua Amira.
On ne demande pas à un sourd s'il aime ou non la musique de la noce.
     
     
    *
     
     
    Damas, au même moment, 20 octobre 1919
     
     
    Frappé de
plein fouet par le soleil, l'imposant moucharabieh qui obturait la fenêtre fut
contraint de céder le passage à la lumière. Brisés, réduits en losanges par le
maillage, les rayons achevèrent leur course aux pieds du bureau derrière lequel
avait pris place le haut-commissaire de la République de Syrie et de Cilicie, le général Henri Joseph Gouraud.
Lorsqu’il avait fait son entrée dans la ville, plusieurs vieux Damascènes lui
avaient trouvé la moustache aussi avantageuse que celle du Kaiser Guillaume II
quand, une vingtaine d'années auparavant, celui-ci s'était présenté comme le
héros de l'islam — encore un —, le protecteur des trois cents millions de
musulmans dans le monde et qu'il avait paradé en grand uniforme dans les rues
de Damas.
    Assis à la
droite du militaire, un personnage fumait la pipe avec une certaine solennité.
Il s'appelait Robert de Caix, investi, peu de temps auparavant, des fonctions
de secrétaire général pour l'Orient.
    Voilà près
de vingt minutes que le militaire exposait à Jean-François Levent la situation
à laquelle la France était confrontée maintenant que les Britanniques avaient
finalement accepté de se retirer de Syrie et de transmettre au gouvernement
Clémenceau les clés du pays. L'encre de la signature posée au bas de l'accord
n'était pas encore sèche, que déjà les oppositions à l'arrivée des Français
s'élevaient de toutes parts.
    Quel sac
de nœuds ! songea Jean-François tandis

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