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Le souffle du jasmin

Le souffle du jasmin

Titel: Le souffle du jasmin Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gilbert Sinoué
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ennemi juré d'Ibn Séoud. Le hic, c'est que le
prestige de ce dernier n'a fait que croître, tandis que celui de Hussein s'est
réduit comme peau de chagrin.
    – Ibn Séoud ? répéta Caix,
pensif. N'est-il pas apparenté à un autre Séoud qui, dans un lointain passé,
s'acoquina avec un prédicateur qui rêvait d'établir la doctrine d'un islam pur
et dur ?
    – Absolument. Le prédicateur en
question s'appelait Abdel Wahhâb et sa doctrine le « Wahhabisme ». Si
Ibn Séoud l'emporte, ce qui semble acquis, toute la région va basculer dans cet
islam ultraorthodoxe. Je ne donne alors pas cher de l'avenir du protégé de
Lawrence.
    – Vous croyez vraiment que Séoud
sortira vainqueur ?
    – Comment peut-il en être
autrement ? Vu la façon dont les Anglais et nous-mêmes avons traité son
rival et avec quel mépris nous agissons à l'égard de son fils, Fayçal…
    – Si nous revenions à
l'essentiel ? proposa Gouraud. Vous avez bien cerné la situation. À
présent, vous allez devoir agir. J'ai une mission à vous confier. Si Fayçal et
Clémenceau ne parviennent pas à un accord, ce sera tout naturellement la
guerre. De gré ou de force, les troupes arabes devront quitter ce pays. Et nous
n'en ferons qu'une bouchée. En revanche, une fois cette affaire réglée, nous
allons nous retrouver face à un ennemi plus retors que les guerriers de
Fayçal : les nationalistes radicaux. Ceux-là risquent de nous causer de
gros ennuis.
    – Je comprends. Qu'attendez-vous de
moi ?
    – Que vous les rencontriez. J'ai ici
certains noms. Je souhaite que vous tentiez de les raisonner. Tâtez le terrain.
Voyez s'il n'existe pas de points d'accord possibles. Vous me comprenez, bien
entendu.
    – Parfaitement. Mais permettez-moi,
mon général, d'ajouter un élément de plus à vos soucis.
    – Ah !
    – Les chrétiens du Mont-Liban, les
maronites. Vous avez pu vérifier par vous-même avec quel enthousiasme ils ont
accueilli nos troupes à mesure que celles-ci prenaient position autour de
Beyrouth. À leurs yeux, nous sommes des libérateurs. Désormais, ils songent à
un État libanais indépendant, qui serait protégé par les liens privilégiés avec
la France. Ils ont même délégué leur patriarche pour les représenter et demander
l'indépendance de leur région.
    – Ils veulent être protégés ?
Mais de quel ennemi ? questionna Robert de Caix.
    – Des druzes.
    – Les druzes ?
    – Je ne vais pas vous assommer avec
des explications théologiques. Disons que les druzes pratiquent un islam marginal,
basé sur l’initiation philosophique. Tout le temps qu'a duré l'occupation
ottomane, le Mont-Liban, peuplé essentiellement de familles de notables
chrétiens et druzes, a bénéficié d'un pouvoir autonome. Il y régnait une sorte
de régime féodal. Tout ce monde semblait plus ou moins s'entendre jusqu'en
1858, où des paysans druzes, sans doute encouragés par les Turcs, se sont
révoltés contre les prétendus abus d'un gouverneur maronite. Ce qui commença
par une jacquerie se transforma en un bain de sang. On a compté plusieurs
milliers de victimes maronites dans la montagne, à quoi il faut ajouter des
tueries de chrétiens, ici même, en Syrie. On a parlé de 5 000 morts dans la
seule journée du 9 juillet de cette année-là.
    – Et aujourd'hui, ces maronites
réclament un État ? C'est insensé ! Si toutes les minorités devaient
en faire autant, où irions-nous, que diable ! Ces gens n'ont-ils pas
appris que l'on est toujours la minorité de quelqu'un ?
    – Monsieur de Caix, nous avons
chassé le grand méchant loup ottoman. Nous l'avons remplacé. Ce faisant, nous
avons soulevé un immense espoir parmi ces peuples qui vivaient dans la
servitude depuis des siècles. N'est-il pas dans leur logique qu'ils réclament
leur dû ?
    Tout en
parlant, Levent jeta un coup d'œil à sa montre gousset. Son cœur s'emballa.
Plus que quelques heures. Il avait rendez-vous avec Dounia, la sœur de Nidal
el-Safi, demain, à Alep. L'Irakienne l'aiderait à se laver l'esprit de ce
méli-mélo géopolitique et du cynisme du monde.
    – Ces nationalistes, vous avez dit
posséder certains noms. Puis-je les avoir ?
    Le général
lui confia une note pliée en deux.
    – Vous nous tiendrez au courant,
bien entendu.
    – Bien entendu, mon général.
    Levent
hésita un instant, puis sortit de sa poche intérieure une enveloppe qu'il
déposa sur le bureau.
    – Qu'est-ce que c'est ?
    – Une faveur que je vous

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