Le souffle du jasmin
idiots...
L'espace
d'un instant, elle eut l'air déconcerté. Elle sentit les mains de Jean-François
qui emprisonnaient ses hanches. Il l'attira violemment contre lui. Elle ne
résista pas. Elle murmura seulement :
— Ce sera
la première fois...
*
Le Caire, 15 avril 1921
Confortablement
installés dans le salon, les pères des mariés, le Palestinien et l'Égyptien,
fumaient chacun son narguilé dans des senteurs de mélasse et d'essences de
pomme.
Loutfi bey inspira
une longue bouffée qui fit danser
sur les braises incandescentes une langue de feu. Savourant son plaisir, il ferma les yeux avant de reprendre :
– La villa dont je te parle fera parfaitement l 'affaire. Elle se trouve
à un quart d 'heure d'ici et, une fois rénovée, agrandie et décorée, elle sera parfaite pour nos enfants.
Hussein Shahid leva la main en guise de protestation.
– Il n'en est pas question. Tu sais bien que c 'est à l 'époux d'apporter en
dot la maison que devront occuper les jeunes mariés. Dans ce cas, au père de l 'époux. Donc, à moi.
– C'est insensé ! Puisque cette
maison existe et que per sonne n'y habite !
Je peux donc en disposer à ma guise.
Lais sons tomber ces
coutumes dépassées, je t 'en prie,
mon frère. Toi, moi, c'est la même chose !
– Dans ce cas, je te prends au mot. Je t 'achète ta
villa et je la leur
offre en dot.
D'accord ?
L'échange
se poursuivit encore longtemps, aussi animé que dans un souk, pour s'achever
finalement sur un accord que l'un et l'autre jugèrent enfin équitable :
Hussein offrait la maison ; Loutfi bey les meubles.
– À
présent, reprit l'Égyptien, si nous parlions de l'avenir professionnel de ton
fils.
– Son
avenir professionnel ? Ne doit-il pas terminer ses études de droit ?
– C 'est bien ce qui était prévu en effet. Mais à présent qu’il est marié, il va être obligé de subvenir aux
besoins de son couple et de nos futurs petits-enfants.
– Il n'y a
pas de problème. Ils pourront compter sur moi pour les aider jusqu'à ce que
Mourad soit en mesure de gagner sa vie par lui-même.
–
Impossible.
Hussein
eut un geste de surprise.
– Oui,
impossible. Je lui ai fait la même proposition lorsqu'il a demandé la main de
Mona. Il a refusé catégoriquement.
– Il a eu
raison ! J'aurais eu honte de lui s'il avait agi autrement.
– Donc…
– Il
acceptera de son père ce qu'il n'a pas accepté d'un étranger.
– Un
étranger ? Moi ?
– Tu m'as
compris, Farid. Je t'en prie, ne te sens pas offensé.
L'Égyptien
eut un haussement d'épaules sceptique.
–
J'aimerais partager ton optimisme. Toutefois, j'ai appris à connaître Mourad.
Je le connais même aussi bien que s'il était mon propre fils. Il refusera ton
aide.
– Ce
serait un âne... Comment se débrouillera-t-il sans…
– Je ferai
comme beaucoup d'étudiants qui n'ont pas de parents riches, c'est tout !
La voix de
Mourad avait retenti par-dessus les glouglous.
Le
Palestinien traversa le salon et se campa devant son père.
– J'ai
d'ailleurs trouvé un travail. Bien sûr, le salaire est mince, mais il suffira
dans les premiers temps. Un an. Dans un an, je serai diplômé et je pourrai
accéder au barreau.
– Un
travail ? se récria Hussein Shahid. Lequel ?
– Pour le
Wafd. Des travaux de secrétariat.
– Le
Wafd ? Le parti de Saad Zaghloul ?
–
Absolument. J'ai obtenu le poste grâce à l'intervention
de son neveu, Zulficar. Bien que le brave soit exilé aux Seychelles, la lutte
continue. De surcroît, la politique laïque et libérale que défend ce parti est
conforme à mes idées.
Me voilà donc pleinement heureux. D'ailleurs, Taymour fait lui aussi partie de
notre équipe.
Les deux
pères levèrent les yeux au ciel presque de concert.
– Taymour
est fou, fit remarquer Farid. Mais toi ?
– C'est
inepte, mon fils, surenchérit Hussein Shahid. Pour quelques livres, tu vas
gaspiller un temps précieux que tu pourrais consacrer à tes études. À’liek fen ? Où est ton cerveau ?
– Sans
compter, ajouta Loutfi, que pendant que tu organiseras la paperasserie du Wafd,
tu négligeras ton épouse, bien évidemment,
– Ne vous
inquiétez pas. Mona ne souffrira aucunement. De toute façon elle est d'accord
avec ma décision.
– Ah
bon ! grommela l'Égyptien. Parce que tu lui as demandé
l'autorisation ?
– Oui,
Loutfi bey. Aujourd'hui, les femmes sont émancipées, tu sais.
Le
beau-père de Mourad fit mine
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